Tout à fait d'accord avec toi, thibault. Je ne connais pas très bien le sujet, mais en me documentant sur Internet, j'en arrive au même constat que toi: la situation des prisons est visiblement dramatique et il faut améliorer très rapidement cette situation (c'est ce que disent tous les rapports sur la question ).
Je me permets juste de te soumettre cette analyse de M. Badinter qui est intéressante et qui répond un peu à ton questionnement je pense.
"Ceci m’avait tant préoccupé, quand j’étais à la chancellerie, où, avec des moyens très médiocres, j’ai fait l’impossible, dans un climat d’impopularité tout à fait marqué, pour humaniser et améliorer, tant que faire se pouvait, la condition carcérale. J’avais été frappé par l’accueil négatif dans la population, j’avais aussi été frappé par le fait que je me heurtais au sein du gouvernement, présidé pourtant à ce moment-là par des hommes de cœur.
Et notamment Pierre Mauroy : à chaque fois que je plaidais pour la nécessité d’améliorer les prisons, il me disait : « Tu as raison, mais nous avons tant de priorités. » Il les énumérait, et elles étaient exactes, depuis les personnes âgées, les chômeurs en fin de droits, l’emploi des jeunes…On avait toute la liste des besoins sociaux qu’il nous fallait satisfaire en priorité.
On avait une enveloppe, on progressait chaque année un peu plus, mais jamais ce qui était nécessaire pour réussir une transformation.
Je suis arrivé à la conclusion que dans une démocratie une loi d’airain pesait sur la prison. Cette loi d’airain est simple et, à ma connaissance, partout vérifiée : vous ne pouvez pas améliorer le sort des détenus au-dessus du seuil de la condition sociale du travailleur libre le plus défavorisé. Là se situe notre limite dans une démocratie. Tout simplement parce que l’opinion publique n’accepterait pas l’idée que celui qui travaille et qui vit dans une condition très difficile se trouverait dans une condition moins favorable, en travaillant, que celui qui est en prison et dont l’opinion considère qu’il est là parce qu’il a méconnu la loi. Vous vous heurtez sur ce palier-là, cela a été vérifié sur 50 ans et j’ai eu l’occasion de le vérifier dans bien des lieux. Vous avez une relation directe entre le progrès social et le progrès carcéral possible. Quand je dis le progrès social, m’adressant en particulier à Bertrand, je veux dire le progrès social des plus défavorisés. C’est cette condition-là qui signe la possibilité de progrès. Je dis cela pour rappeler ce que disait Pierre Mauroy : « Il y a d’autres priorités qu’il faut d’abord que je satisfasse. » On en revient toujours à cela. Et vous vérifiez finalement où sont les seuls établissements que l’on peut considérer comme concevables, dans les social-démocraties les plus avancées du Nord de l’Europe, parce que, là, les conditions des plus défavorisés ne sont pas telles qu’elles interdisent la satisfaction d’une condition carcérale possible. Et cela explique pourquoi, après tant de rapports, tant d’efforts, on a le sentiment que l’on piétine. "