Effrayant...
"Lorsqu'il n'y a plus de règle, plus de loi commune, plus de norme, plus de valeurs partagées, il n'y a plus rien pour endiguer le mal qui est en l'homme, pour canaliser la violence, les instincts, les pulsions, la loi de la force, la loi des bandes, la loi des voyous"
Cette citation de Nicolas Sarkozy, apparemment anodine dans la course au positionnement de l'élection présidentielle, et reprise par l'édition du Monde du Dimanche 25 et du Lundi 26 février révèle en fait bien plus qu'un effet de tribune. A elle seule cette phrase, qui ne doit rien au hasard tant les références philosophiques qu'elle comporte renseigne sur la vision du Monde du candidat, fait office de vision spirituelle, d'appréciation civilisationnelle et surtout de programme en ce qui concerne la liberté vue par Sarkozy.
Vision spirituelle et religieuse, tout d'abord, et ce malgré le cadre laïque qu'impose justement tout débat publique à la veille d'échéances électorales. D'où vient cette idée que le Mal serait en l'Homme? D'où nous revient cette idée contestée par Rousseau qui ne considérait pas l'Homme comme mauvais par nature mais corrompue par la société. C'est à l'anthropologie du Mal qu'il faut revenir si l'on veut vraiment cerner ce que révèle l'expression Sarkozyenne de "mal qui est en l'Homme". Là deux pensées s'affrontent, la pensée Antique, prépondérante dans sa contribution aux Lumières, à la République et la pensée chrétienne qui dans sa vision du Mal et de l'Homme a toujours vu dans l'explication du premier, le refus de soumission du second.
La pensée antique croit que l'homme, une fois libre est capable de s'orienter lui même. La pensée chrétienne non. Pour Saint Augustin par exemple, c'est la trahison à l'égard de la transcendance, la transformation de l'homme en un être unidimensionnel, qui constitue le véritable mal, le péché contre le Saint-Esprit. Le mal a donc à voir avec la fermeture de l'esprit et la lâcheté du cœur. Schelling et Schopenhauer défendent encore le même point de vue. Pour l'un comme pour l'autre, ceux qui ne respectent pas le besoin métaphysique se méprennent gravement sur les possibilités humaines et s'abandonnent à la violence absurde des conflits d'intérêts égoïstes. Mais comment empêcher l'homme de se trahir lui-même ? Comment le protéger de lui-même ? Augustin se fie à l'Eglise, à l'institution sacrée, comme Sarkozy se fie aux règles, aux normes, aux lois communes, celles qui distingueraient nous des autres, l'Empire des Barbare...la République Sarkozienne de la République socialiste et libérale.
De mon point de vu, comme pour l'ensemble des progressistes, ce n'est pas la nature des hommes, mais leur mode de relation qui décide de l'issue de l'histoire, bonne ou mauvaise. Les uns misent sur le marché et le partage des pouvoirs, les autres sur les rapports de production. Mais dans les deux cas, les risques que comporte la liberté sont minimisés.
Décliner "le mal qui est en l'Homme" revient à définir la civilisation comme une succession d'échelons à gravir, le plus bas est le mal total et le plus élevé est le bien absolu. Chaque étape intermédiaire est une victoire du bien sur le mal. C'est pourquoi ce chemin part de bas en haut, c'est une lutte incessante entre le mal qui est en l'homme, contre sa nature égoïste.
Plus largement, si le Mal est en l'homme alors il est dans l'Humanité est celle-ci est divisée en deux camp, celui du Bien et celui du Mal,les honnêtes gens contre les racailles et les voyous, les folles pulsions inférieurs contre la raisons supérieure légitimée par le désir de puissance...cela ne vous rappelle-t-il rien?