Elle est partie prenante du PS, dont le courant "socialisme et démocratie" fait partie, porteuse d'une volonté de rénovation et d'une ligne plus claire dans le PS. Je te mets un article qui illustre et résume la manière dont elle peut se traduire au niveau politique, mais aussi les difficultés quant à sa compréhension.
Cinq après ce coup de tonnerre et alors que nous venons de vivre un nouveau revers lors de l’élection présdientielle, le souvenir du 21 avril 2002 persiste toujours à hanter nos esprits.
Il faut dire que même si depuis cette triste date, les analyses ont été nombreuses, la Gauche en général et la social-démocratie en particulier, n’ont pas réussi à dépasser cette défaite pour assumer une véritable rénovation idéologique dans notre pays.
- Porter une lecture du monde
Revenant sur leur défaite face à Georges W.Bush en 2004, les démocrates américains ont cherché à comprendre pourquoi ils n’avaient réussi à battre celui qui, dans le champ économique comme sur le terrain politique, multipliait pourtant les échecs.
Pour eux, l’échec de John Kerry s’explique par une carence fondamentale : l’incapacité pour la gauche américaine à donner une lecture du monde à leurs concitoyens. La tâche de la politique ne consiste pas seulement à apporter des réponses aux problèmes rencontrés quotidiennement par les électeurs. Dans un monde qui s’est complexifié, dans des sociétés atomisées, il appartient aussi aux responsables politiques de fixer des repères et de produire une grille de lecture dans laquelle chacun puisse se situer. Comment, en effet, rendre intelligible des politiques publiques à des individus qui n’arrivent pas à se penser dans une société ?
Au niveau national comme au niveau international, George W.BUSH a construit ses discours autour d’une vision binaire fausse mais efficace : ceux qui veulent s’en sortir face à ceux profitent du système, l’axe du Bien contre l’axe du Mal. Face à lui, John Kerry n’a pas trouvé les marqueurs permettant d’éclairer et de rendre intelligible le monde vécu. Qui sont, au moins sur un champ symbolique, les ennemis de la Gauche, qui sont ceux qui doivent être prioritairement protégés ?
On le voit bien, cette difficulté rencontrée par les démocrates américains se retrouve aussi dans l’orientation social-démocrate défendue aujourd’hui au Parti socialiste. Lionel Jospin avait tenté d’y répondre en donnant un nom aux nouveaux ennemis de la Gauche : cette "nouvelle aristocratie" adossée au capitalisme financier.
Pour rendre compréhensible la social-démocratie à l’époque de la mondialisation, il nous faut trouver les mots et les symboles susceptibles d’imager notre lecture du monde.
- Construire l’imaginaire social-démocrate
Le second défi auquel se trouve confronté la social-démocratie est inhérent à sa propre nature. Assumant la complexité du monde, la gauche social-démocrate fait de la raison, le cœur de son idéologie. "Les choses ne sont pas aussi simples" pourrait même être le slogan de cette identité politique.
Or, dans un monde sans mémoire et soumis à la dictature de l’instant, la complexité est vécue au mieux comme une suspicion, au pire comme une trahison. Face à des sociétés où il faut pouvoir réduire pour arriver à séduire, voilà donc la Gauche renvoyée au combat des Lumières. La rationalité reste une exigence démocratique, mais elle est un obstacle à la parole politique si elle n’est pas accompagné par de la symbolique.
Complexe, rationnelle, la ligne social-démocrate souffre donc d’un déficit d’images et de symboles pour emporter l’adhésion de tous. Cet imaginaire social-démocrate qui fait aujourd’hui défaut, doit être construit à partir de combats fondateurs. La question des rapports Nord/Sud et de l’EuroMéditerranée, de l’accès aux médicaments de lutte contre le SIDA, du logement ou de la lutte contre les discriminations sont autant de batailles sur lesquelles il nous faut nous investir aujourd’hui pour en faire nos référents symboliques de demain.
- Inventer une nouvelle pédagogie de l’action politique
Complexe dans un monde qui revendique le simple, obscure dans un moment où on exige de la clarté, la social-démocratie se retrouve aussi confrontée à un difficile rapport au temps.
Le réformisme, par nature, inscrit l’action politique dans la durée. Au "grand soir", on est ainsi passé au changement du premier au dernier jour… Mais comment accepter le temps nécessaire à la mise en place effective des politiques publiques quand l’impression de l’instant devient la norme ?
A cet égard, la question du soutien prioritaire à la Recherche est relativement éclairante. En effet, abonder massivement en crédits ce secteur est une nécessité politique si nous souhaitons édifier une société de la connaissance. Mais, il est évident que cela n’apporte aucune plus-value électorale dans la mesure où le résultat de cette politique ne pourra être évalué – et reconnu par nos concitoyens – que dans le long terme. C’est-à-dire longtemps après toute échéance électorale.
La droite et Nicolas Sarkozy ont trouvé le moyen de dépasser cette contradiction majeure. Si l’action politique ne peut permettre d’influer sur l’instant, alors mieux vaut s’attacher à produire une illusion de l’action. C’est exactement ce à quoi s’est attaché, le Président de l’UMP pendant ses longs mois passés au Ministère de l’Intérieur : Mieux vaut donner l’impression d’agir en faisant preuve de surractivité médiatique que de s’attacher à régler réellement les problèmes d’insécurité.
Cette réponse ne peut évidemment pas être celle de la Gauche. La solution réside plutôt dans l’invention d’une nouvelle pédagogie de l’action politique. Celle-ci doit trouver les moyens d’associer les citoyens à chaque étape de l’élaboration d’une politique publique, en instaurant un dialogue permanent. Cette nouvelle pédagogie peut évidemment s’appuyer sur des dispositifs de démocratie participative. Mais ces derniers ne sont suffisants et peuvent, s’ils ne sont pas encadrés, créer une confusion dramatique au sujet de la responsabilité même de la décision publique.
D’autres pistes existent : Mendès-France prenait le temps de rendre compte, toutes les semaines, de son action gouvernementale devant les Français. Les Conseils régionaux ont multiplié, depuis 2004, les initiatives de démocratisation et de transparence en rendant les travaux et les décisions plus facilement accessibles au public. La social-démocratie est s’attachée elle, dans les pays où elle a été aux responsabilités, à s’appuyer sur les corps intermédiaires pour donner un sens et une permanence aux processus de réforme. D’autres pistes sont encore à explorer.
Porter une lecture du monde, construire un imaginaire social-démocrate, inventer une nouvelle pédagogie de l’action politique.. Ces trois défis pourraient paraître anecdotiques si on se limitait à ne voir le combat politique en France comme un simple jeu de balancier entre la Gauche et la Droite.
Mais si la social-démocratie cherche, comme elle le revendique, à conquérir le pouvoir mais aussi à en faire usage et à le garder, alors elle ne pourra arriver à ses fins sans y répondre.