On peut établir un parallèle et pointer les différences entre le mouvement anti-CPE qui prend de l’ampleur chaque jour davantage, et les évènements d’il y a 38 ans.
Le contexte est très différent. Mais comme en 1968, nous avons la séquence en trois temps : un soulèvement de la jeunesse scolarisée entraîne une mobilisation massive et unitaire des salariés et de leurs organisations et précipite une crise politique au sommet de l'Etat.
Les contenus idéologiques et politiques ne sont pas les mêmes aujourd’hui.
Les manifestants ne défilent pas au son de l'Internationale, derrière des forêts de drapeaux rouges. Les salariés n'occupent pas les entreprises et ne sont pas en grève illimitée. Les étudiants et les lycéens mobilisés ne remettent pas radicalement en cause notre société, au nom d'une utopie généreuse mais chimérique. Ils veulent au contraire trouver toute leur place dans cette société : un emploi, un logement, un avenir. Leur mouvement n'est pas révolutionnaire, mais réformiste...
La jeunesse scolarisée ne défend pas le statu quo ou ses intérêts égoïstes. Elle se mobilise contre la société de précarité généralisée que les gouvernements de droite nous préparent, mesure après mesure. Elle se mobilise contre le démantèlement du code du travail dont le CPE, après le CNE, constitue une étape. Elle s'affirme pour une société de solidarité et de sécurité, où la loi protège les plus faibles contre l'arbitraire des puissants. Elle défend une conception exigeante de la démocratie et de la République : une démocratie qui garantit à chacun des droits civils et politiques : les droits de l'Homme et du citoyen, mais aussi les droits économiques et sociaux : les droits des salariés. En cela son combat s'inscrit dans le droit fil de Mai 68.
Après mai 68, il y a eu juin 68 : une victoire électorale écrasante de la droite, pour garantir l'ordre...
La droite va chercher, comme alors, à diviser, à discréditer le mouvement afin de susciter une demande d'ordre qui lui permettrait de se refaire aux élections. Elle va jouer l'essoufflement, le pourrissement, les débordements. Le mouvement étudiant et les syndicats sauront déjouer ce piège, rester unis et conserver le soutien de l'opinion publique.
Une nouvelle génération politique est née. Elle est née à gauche, dans le refus de la précarité et l'aspiration à plus de justice et de solidarité. Son combat a rencontré un écho en Europe : Angela Merkel retire son projet d'un CPE allemand. Il y a de quoi être raisonnablement optimiste!