L’incapacité àconstruire un modèle alternatif
Par Michel Noblecourt, chef du service éditorial au Monde.
La présidentielle 2007 a fait tomber l’ensemble de la gauche à son plancher électoral. La faiblesse de son score au premier tour explique la défaite de Ségolène Royal au second. L’échec de la gauche ne découle pas seulement du constat d’une France ancrée à droite. La gauche est d’abord en échec parce qu’elle a perdu son logiciel de la transformation sociale.
L’effondrement du communisme, après la chute du mur de Berlin, est intervenu au moment où l’État providence, qui avait fait la force de la social-démocratie, est entré lui-même en crise, face à la montée d’une mondialisation de plus en plus libérale. Depuis, la gauche, qui avait fondé son combat sur l’émancipation et la justice sociales, n’a pas trouvé de substitut à l’anticapitalisme. Elle est en panne de modèle alternatif face à un capitalisme qui a triomphé en s’installant sur les ruines du communisme. Elle est partie en guerre contre la mondialisation libérale mais en en faisant une lecture plurielle. Elle s’est forgé une nouvelle identité « antilibérale » mais sans définir vraiment son nouveau credo.
La gauche a trop confondu dans un même refus le libéralisme politique (hérité de la philosophie des Lumières et de la Révolution française, fondement de la démocratie), le libéralisme social et le libéralisme économique. Du coup, elle s’est projetée dans la dénonciation, incapable de construire un modèle alternatif allant au-delà des principes naguère avancés par Lionel Jospin (« Oui à l’économie de marché, non à la société de marché ») avec un État providence plus régulateur, s’attaquant aux inégalités, aux injustices et aux discriminations à la racine, réhabilitant des services publics plus efficaces, imposant des règles aux entreprises pour mettre fin aux ravages sociaux d’un ultralibéralisme sauvage et non maîtrisé.
Parallèlement, la gauche a perdu le mode de lecture des attentes sociales. La société des « non-inclus » lui a échappé. Elle s’est coupée de plus en plus des classes populaires (dès l’instant où de plus en plus d’ouvriers ont voté pour l’extrême droite) et n’a pas su incarner un nouvel espoir.
La gauche doit donc reconstruire son logiciel, en se dotant de deux pôles : un pôle social-démocrate autour du PS (ce qui suppose de revisiter une social-démocratie aussi en crise et en recul dans plusieurs pays d’Europe, comme la Suède, l’Allemagne, les Pays-Bas) et un pôle progressiste qui peut être la bouée de sauvetage d’un Parti communiste qui n’arrive plus à enrayer son déclin.