La ministre de la Justice Rachida Dati a annoncé que les peines planchers, qui sont des peines minimales en matière de récidive, seraient au menu de la session parlementaire extraordinaire de cet été. Proposées pour la première fois par Christian Estrosi le 4 février 2004, ces peines minimales ont été inlassablement défendues par Nicolas Sarkozy depuis 2002 et lors de la campagne électorale. Pourquoi ? Le populisme pénal du nouveau président sacrifie des principes fondamentaux de l’Etat de droit au nom d’une mesure que l’on sait inefficace.
Tout d’abord, deux principes constitutionnels sont en jeu : la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’acte commis (article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789) et la peine doit être conçue en fonction de la personnalité de l’accusé (principe d’individualisation de la peine). En d’autres termes, il faut laisser les juges et le jury juger. L’instauration de peines planchers contreviendrait à ces deux principes fondamentaux du droit pénal en vigueur depuis deux siècles.
Ensuite, les peines planchers sont inefficaces : des peines automatiques ont été expérimentées aux Etats-Unis, où elles ont fait exploser la population pénitentiaire sans diminuer la criminalité. En France , où les prisons sont aussi surpeuplées, les récidivistes sont déjà condamnés dans 80% des cas à des peines d’emprisonnement ferme, et la récidive ne représente que 5% des condamnations (seulement 3% pour la récidive criminelle) et a baissé entre 2000 et 2004.
Cela explique pourquoi le code pénal (du 1er mars 1994) a supprimé la notion de peines minimum, tout en se limitant à des maximum. La classe politique dans son ensemble a toujours rejeté cette proposition, l’estimant anti-constitutionnelle. Même à droite, Jean-Louis Warsmann, membre UMP de la commission des lois, estimait que « les instaurer reviendrait à bouleverser la philosophie du droit français » (8 décembre 2004)... « Faut-il aller jusqu’aux peines planchers ? je ne le crois pas » (D. de Villepin, 10 novembre 2006). Espérons que ces responsables politiques seront fidèles à leurs idées et non à leur nouveau président !
Dernier point, et non des moindres, cette mesure serait le début de l’érosion du droit des mineurs. Nicolas Sarkozy a également promis de supprimer l’excuse de minorité pour les mineurs récidivistes. Or, la justice sanctionne déjà les mineurs (dont seulement 4,6% des actes de délinquances sont des actes de violences sur la personne) suffisamment. A nouveau, une telle loi irait contre la Constitution qui veut « l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en raison de leur âge ».