Lentement, la gauche sud américaine écrit l’histoire d’une région où les mots de « démocratie » ou « révolution » sont plus concrets qu’ailleurs. Le 11 septembre 1973, le pays de Pablo Neruda s’enfonçait dans une dictature qui marque encore les esprits. Depuis le 11 décembre 2005, le président de la république est une femme, une première dans la région.
Pour qui s’intéresse un peu à l’histoire politique de l’Amérique latine, la seule femme politique qui a marqué les esprits c’est Eva Peron, Evita pour les intimes et plus près de nous, Marta Suplicy, l’ancienne maire de São Paulo, égérie du PT de Lula et idole des classes populaires au Brésil. Au Chili, c’est une femme qui préside maintenant aux destinées du pays. Un symbole de plus pour cette région où la transition démocratique a vu les anciens guerilleros se convertir au réformisme et triompher dans toute la région, faisant une fois de plus du cône sud un modèle d’expérimentation politique qui pourrait inspirer la gauche européenne.
Cette quinquagénaire est mère de trois enfants. Docteur en médecine, comme son illustre prédécesseur, Salvador Allende, polyglotte, diplômée en sciences militaires c’est aussi une fille de militaire. Sous le gouvernement de l’Unité populaire, Michelle Bachelet fut une dirigeante étudiante des jeunes socialistes. Son père mourut des suites des mauvais traitements infligés par les sbires de Pinochet. Elle-même fut torturée par la DINA, la police politique de la junte et à sa libération, elle s’exila en Australie et poursuivit ses études à Leipzig puis à la prestigieuse université Humboldt de Berlin. C’est là qu’elle épousa l’architecte Jorge Dávalos.
La famille revint au Chili en 1979 et à la fin de la dictature, Bachelet contribua à l’énorme chantier sanitaire ouvert par 17 ans de régime Pinochet.
Adhérente du Parti socialiste, elle fut nommée ministre de la santé après la victoire de Ricardo Lagos et doté de ce portefeuille, elle eut comme mission de réformer le système de santé du pays. En 2002, Michelle Bachelet eut un premier rendez-vous avec l’Histoire en devenant la première femme ministre de la défense nationale. Enjeu stratégique pour un pays où l’armée est gardienne d’un passé qui ne passe pas. Elle réussit à engager les réformes nécessaires.
A la fin de l’année 2004, elle a démissionné de ses fonctions pour se consacrer à la campagne municipale qui précède de quelques mois la campagne présidentielle dans laquelle elle a porté les couleurs de la gauche chilienne.
En gagnant la présidentielle le 11 décembre 2005, Michelle Bachelet a ancré plus profondément son pays dans un avenir plein de promesses. Elle est devenue un exemple de plus pour des millions de femmes en politique et surtout aux yeux de tous les militants de gauche.