il est essentiel pour nous, militants de Gauche, de connaître le parcours de cet acteur majeur de la Commune de Paris, de cet écrivain engagé et révolté contre l’ordre établi. Dans un monde où des millions de personnes sont encore exploitées, cette figure de " l’insurgé Vallès " demeure plus que jamais d’actualité.
Le futur communard est né au Puy-en-Velay, en Haute-Loire, en 1832 dans une famille d’origine paysanne même si son père occupe lors de sa naissance un modeste poste de surveillant au collège du Puy. Tout au long de sa vie, Vallès marquera un grand attachement à sa Haute-Loire natale et à ses habitants dont il louera à plusieurs reprises " l’instinct de la revolte ". Le jeune Jules Vallès vit ensuite à Saint-Étienne de 1840 à 1845 puis à Nantes de 1845 à 1849 déménageant au gré des mutations de son père. Toute sa jeunesse est marquée par une relation conflictuelle avec ses parents qui veulent en faire un élève modèle alors que lui refuse obstinément le moule de l’institution scolaire qui forme, selon lui, seulement des jeunes hommes prêt à obéir. Les mauvais traitements infligés par ses parents en feront, très tôt, un promoteur des droits de l’enfant.
L’argent, les réfractaires
C’est dans la ville de Nantes qu’il rencontre l’histoire de la République et de Révolution Française et qu’il fréquente, contre l’avis de son père qui veut faire carrière dans l’Université, ses premiers cercles républicains ou il lit en vrac Proudhon, Michelet et Blanqui. Il n’a que 16 ans quand, lors de révolution de 1848 il fait voter au lycée de Nantes des motions de soutien à la République puis en faveur des ouvriers écrasés par les troupes du réactionnaire Cavaignac au mois de juin. Entre 1848 et 1850, il rate son bac, au grand dam de son père, à plusieurs reprises.
Il n’a alors qu’une idée en tête : repartir à Paris où il fut pensionnaire en 1848-49 et y vivre au milieu de ce petit peuple des faubourgs pour se fondre à lui. S’installant dans la capitale fin 1850 il vit, avec ses jeunes amis révolutionnaires, une vie de bohême faite de discussions vives sur 1793 et la Révolution, de petits boulots et de fréquentation des bistrots populaires. Le 2 décembre 1851, Vallès compte parmi les rares parisiens à tenter de s’opposer au coup d’Etat de Napoléon III et sera longtemps marqué par cette défaite majeure du camp républicain, de son camp : celui de la justice et de l’égalité sociale.
Au cours de ces années 1850-1860, Vallès commence à écrire ses premiers livres mais vit bien souvent dans la pauvreté et la misère accumulant dettes et créances diverses. Son premier ouvrage intitulé " l’Argent " sort en 1857, sa verve provocatrice contre la société bourgeoise et son appel à un sursaut contre la misère populaire attire l’attention de la critique sur Vallès. Mais c’est surtout dans les journaux, où il écrit de très nombreux articles (notamment dans Le Figaro de l’époque qui n’était pas la " Pravda " conservatrice d’aujourd’hui), que ses talents de polémiste font rage. Il publie d’ailleurs un recueil de tous ses articles en 1865 sous le titre des " Réfractaires ", il y dépeint le Paris populaire, artistique et ouvrier avec beaucoup de sensibilité et de talent. C’est également dans ces années là qu’il fait la connaissance du peintre et futur compagnon de lutte de la Commune Gustave Courbet qui devient son ami.
La rue, la Commune
Après divers petits boulots pour faire face à sa situation de précarité latente, il lance en 1867 le journal " la Rue " qui est plusieurs fois censuré et interdit par les autorités impériales. Entre 1868 et 1870, il écrit encore plusieurs articles contre ce régime impérial qu’il déteste profondément, ce qu’il lui vaut des peines de prison et des condamnations à de nombreuses reprises.
Après la défaite de la France face à la Prusse provoquant la chute de Napoléon III en septembre 1870, Vallès lutte immédiatement pour l’avènement d’une République démocratique et sociale puis se montre très tôt partisan de la formation d’une Commune de Paris : il est l’un des rédacteurs de l’Affiche rouge de janvier 1871 qui appelle à un soulèvement dans Paris et à la formation d’une Commune révolutionnaire. Lorsque celle ci voit le jour en mars, il est élu du XVème arrondissement et siège à la commission de L’Instruction ou il souhaite promouvoir une éducation libre et émancipée de la tutelle cléricale. Dans les débats qui traversent la Commune il se rattache naturellement à la minorité " libertaire ", anti-autoritaire et internationaliste. Il semble à plusieurs reprises rebuté par les tentations violentes de certains de ses amis et montre un attachement constant à l’abolition de la peine de mort.
Le cri du peuple
Parallèlement, il dirige le Cri du Peuple, qui est un des journaux les plus lus dans la Paris révolté de 1871 : aujourd’hui le dessinateur Tardi et Jean Vautrin en ont fait le titre d’une série passionnante de BD sur la Commune. Lorsqu’en mai le sinistre Thiers fait écraser dans le sang et dans une violence inouïe le peuple révolté de Paris, Vallès lutte les armes à la main, jusqu’à la dernière barricade, aux côtés de ses camarades Louise Michel, Elisée Reclu, Ferré, Courbet (...), pour défendre les conquêtes sociales et démocratiques mises en œuvre depuis le mois de mars.
Après la défaite et devant la répression farouche qui s’abat contre les communards, Vallès doit s’exiler clandestinement à Londres, il sera même condamné à mort par contumace en 1872. Il demeure dans la capitale anglaise jusqu’en 1880 d’où il continue d’écrire sous divers pseudos ( Voltaire, le Réfractaire...) des articles pour plusieurs journaux français. Mais c’est surtout au cours de ces années londoniennes qu’il rédige sa célèbre trilogie autobiographique : " l’Enfant ", " le Bachelier " et " l’Insurgé ", d’abord publiée en épisodes dans des journaux de gauche elle donne ensuite lieu à trois livres entre 1881 et 1886. Ils dépeignent parfaitement l’univers vallésien fait de révolte, d’espoir, d’amitié, d’attachement permanent à la condition populaire et du refus d’être rattacher à une chapelle, une secte fut elle révolutionnaire.
De retour en France le 13 juillet 1880 (après la loi d’amnistie pour laquelle Hugo a tant lutté), Vallès reprend ses activités de journaliste militant en relançant le Cri du Peuple ou il défend inlassablement les luttes ouvrières et pourfend les républicains opportunistes et modérés, qu’il nomme les " liberâtres ", qui n’ont que faire de la condition des travailleurs et de la misère du peuple.
Il s’éteint le 14 février 1885, à seulement 53 ans, malade et épuisé par une vie de lutte, de travail et d’exil. Ses funérailles, précédant de quelques mois celles de Victor Hugo, sont suivies par une foule immense d’hommes du peuple et d’ouvriers que Vallès a tant défendu tout au long de sa vie.
120 ans après sa disparition...
Les grands combats de l’insurgé Vallès n’ont pas pris une ride et sont autant de luttes à mener pour la Gauche du XXI ème siècle :
La défense des salariés plus que jamais victimes de la précarité, des bas salaires et de pression constante du patronat qui ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis l’époque de Vallès...
La lutte contre toute forme de dictature, de pensée unique ou de sectarisme et pour la promotion d’une vraie démocratie condition indispensable à la réalisation du socialisme.
La lutte pour l’abolition universelle de la peine de mort que ce soit chez le criminel Bush ou chez les bourreaux de l’infâme régime chinois
Une éducation gratuite et laïque à l’heure où elle n’est plus une priorité publique et ou l’on préfère réprimer qu’éduquer...
La défense des Droits de l’enfant, quand dans plusieurs Etats des millions d’enfants (parfois âgés de moins de 10 ans !) travaillent dans des conditions d’esclavage moderne pour le profit d’une poignée d’actionnaires de firmes multinationales devenues surpuissantes dans une économie capitaliste destructrice pour l’Homme et la nature.
La mémoire et les combats de Jules Vallès ainsi que l’esprit libérateur de la Commune de Paris doivent être, pour nous socialistes, autant de points d’appuis pour la construction d’une Humanité Libre, Egale et Fraternelle