Sarkozy a menti
Il faut tordre le cou de toute urgence à une thèse désastreuse qui circule parfois jusque dans la gauche : l’élection présidentielle donnerait à Sarkozy le droit de soustraire le nouveau traité européen au référendum. « Ne l’avait-il pas annoncé ? Les Français étaient prévenus. On peut le déplorer mais il faut accepter le verdict des urnes. » Ce raisonnement se présente comme une évidence démocratique. Mais il est porteur des pires reculs en la matière.
L’élection de 2007 visait uniquement à pourvoir au poste de Président de la République. Il ne s’agissait pas de donner les pleins pouvoirs à un homme. L’oublier serait désastreux au moment où Nicolas Sarkozy cherche à instaurer un pouvoir personnel sans précédent, y compris sous la très présidentialiste Cinquième République. Après Lang, il serait consternant que d’autres voix à gauche confortent cette entreprise.
Dès lors que les Français n’ont pas donné les pleins pouvoirs à Sarkozy, ils ne lui ont pas donné celui de modifier à sa guise la Constitution. La révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité se déroulera comme les précédentes : par le vote du peuple ou à la majorité des 3/5 des parlementaires. Rien ne justifierait donc que la volonté d’un seul homme s’impose à celle du Parlement, ni que le choix d’un seul délie tous les autres de la responsabilité qui leur a été confiée par le peuple souverain, qu’ils soient dans la majorité ou l’opposition. Les promesses électorales de Sarkozy ne s’appliquent pas de plein droit du seul fait de son élection. Elles doivent faire l’objet de décrets pris par le Gouvernement ou de lois soumises au vote des Assemblées. Sinon quel est le rôle du Parlement ? Et celui de l’opposition ? Reconnaître à Sarkozy le droit de décider seul de contourner le référendum serait prêter la main à un coup de force contre la démocratie dont la gauche se mordrait les doigts à l’avenir.
« Juridiquement vous avez peut-être raison, mais l’élection lui donne la légitimité politique d’agir ainsi », nous rétorqueront ces opposants en gants blancs. Faut-il rappeler à ces étourdis ce qu’a promis Sarkozy en matière européenne ? Dans son projet présidentiel : « J’ai proposé à nos partenaires un traité simplifié , limité aux questions institutionnelles que nul n’a contestées pendant la campagne référendaire, afin que l’Europe se dote rapidement des moyens de fonctionner efficacement à 27 États membres. La question de la réécriture d’un texte plus global, scellant la dimension fondamentalement politique de l’Europe, se posera dans un second temps. » Au Congrès d’investiture de l’UMP : « Je veux être le Président d’une France qui dira aux Européens : "nous ne ressusciterons pas la Constitution européenne. Le Président Giscard d’Estaing a fait un travail remarquable, mais le peuple a tranché." » Lors du débat télévisé entre les deux tours : « Ceux qui veulent faire un nouveau référendum, c'est qu'ils veulent faire repasser la Constitution. Je ne veux pas d'une nouvelle Constitution. Les Français ont dit non à 55 %. On ne va pas recommencer un référendum. Pour leur dire quoi ? C'est clair, ils ont dit non. »
Or tous les analystes le disent : le « nouveau » traité n’est que la reprise sous une autre forme du texte initial de la Constitution européenne. Ce n’est pas un mini-traité : il est plus long que le précédent. Ce n’est pas un traité seulement institutionnel : le contenu de la partie III du projet de Constitution européenne est repris en totalité. Ce n’est pas un traité consensuel : les points qui ont suscité le vote « non » des Français sont recopiés tels quels. Ce n’est pas un traité simplifié : il est encore plus complexe que le TCE. Dès lors, Sarkozy piétine son engagement de respecter le « non » des Français.
On pourrait aussi rappeler sa promesse de réorienter la construction européenne. Discours de Charleville-Mézières : « La surévaluation de l’euro est une erreur. (…) La religion du libre-échange absolu est un renoncement. (…) Considérer la concurrence comme un dogme intangible est un renoncement. » Discours de Lille : « Depuis longtemps la pensée unique nous explique qu’une monnaie forte c’est bon pour l’économie et que de toute façon c’est le marché qui décide du cours de la monnaie. Eh bien ce n’est pas vrai. (…) Regardez Airbus ! Voyez comment l’Euro trop cher abîme l’une des plus belles réussites industrielles de l’Europe ! J’ai toujours dit oui à l’Europe, mais pas à cette Europe là ! Je veux une autre Europe, une Europe qui agit au lieu de subir. Une Europe qui défend ses intérêts au lieu de les immoler sur l’autel de la pensée unique. » Or le nouveau traité européen ne change rien au statut de la Banque Centrale européenne, à la politique monétaire, à la protection des travailleurs européens contre les délocalisations, au « dogme intangible » du libre-échange. Pour une raison bien simple : à peine élu, Sarkozy a défendu la pensée unique et non les exigences du peuple.
La tenue d'un référendum sur le traité de Lisbonne est une ardente nécessité démocratique. C'est pourquoi des personnalités diverses, dont certaines avaient déjà pris l'initiative d'appels et de pétitions en faveur de cette consultation populaire, ont décidé de rassembler leurs efforts dans un Comité national pour le référendum. Le CNR s'adresse à tous ceux, quelle que soit leur opinion sur le nouveau traité, qui affirment la nécessité que le suffrage universel se prononce sur ce traité. Vous aussi, exigez que la décision revienne aux citoyens, soutenez la démarche du Comité National pour un Référendum.
66 parlementaires signataires de l’appel du Comité National pour un Référendum au 6 décembre 2007
34 députés :
Jean-Paul BACQUET, député PS du Puy de Dôme
Christian BATAILLE, député PS du Nord
Martine BILLARD, députée Verts de Paris
Christophe BOUILLON, député PS de Seine Maritime
Alain BOCQUET, député PCF du Nord
Patrick BRAOUZEC, député PCF de Seine Saint Denis
Marie George BUFFET, députée PCF de Seine Saint Denis
Jacques DESALLANGRE, député apparenté PCF de l’Aisne
Marc DOLEZ, député PS du Nord
Christian ECKERT, député PS de Meurthe et Moselle
Hervé FERON, député PS de Meurthe et Moselle
Valérie FOURNEYRON, députée PS de Seine Maritime
Jacqueline FRAYSSE, députée PCF des Hauts de Seine
David HABIB, député PS des Pyrénées atlantiques
Sandrine HUREL, députée PS de Seine Maritime
Christian HUTIN, député MRC du Nord
Serge JANQUIN, député PS du Pas de Calais
Régis JUANICO, député PS de la Loire
Jean-Pierre KUCHEIDA, député PS du Pas de Calais
Conchita LACUEY, député PS de Gironde
Jérôme LAMBERT, député PS de Charente
Jean-Claude LEROY, député PS du Pas de Calais
François LONCLE, député PS de l’Eure
Noël MAMERE, député Verts de Gironde
Philippe MARTIN, député PS du Gers
Kléber MESKIDA, député PS de l’Hérault
Jean MICHEL, député PS du Puy de Dôme
Alain NERI, député PS du Puy de Dôme
Marie-Line REYNAUD, députée PS de Charente
Chantal ROBIN RODRIGO, députée PRG des Hautes-Pyrénées
Marcel ROGEMONT, député PS d’Ile et Vilaine
Patrick ROY, député PS du Nord
Jean-Claude SANDRIER, député PCF du Cher
Alain VIDALIES, député PS des Landes
27 sénateurs :
Eliane ASSASSI, sénatrice PCF de la Seine Saint Denis
François AUTAIN, sénateur MRC de Loire-Atlantique
Maryse BERGE LAVIGNE, sénatrice PS de Haute Garonne
Michel BILLOUT, sénateur PCF de Seine et Marne
Nicole BORVO COHEN SEAT, sénatrice PCF de Paris
Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice Verts de Paris
Robert BRET, sénateur PCF des Bouches du Rhône
MIchel CHARASSE, sénateur PS du Puy-de-Dôme
Pierre Yves COLLOMBAT, sénateur PS du Var
Annie DAVID, sénatrice PCF de l’Isère
Jean DESESSARD, sénateur Verts de Paris
Evelyne DIDIER, sénatrice PCF de la Meurthe et Moselle
Michel DREYFUS SCHMIDT, sénateur PS de Belfort
Guy FISCHER, sénateur PCF du Rhône
Jean-Pierre GODEFROY, sénateur PS de la Manche
Brigitte GONTHIER-MAURIN, sénatrice PCF des Hauts-de-Seine
Alain JOURNET, sénateur PS du Gard
Gérard LE CAM, sénateur PCF des Côtes-d'Armor
Josiane MATHON POINAT, sénatrice PCF de la Loire
Jean-Luc MELENCHON, sénateur PS de l’Essonne
Jean-Pierre MICHEL, sénateur PS de Haute-Saône
Jack RALITE, sénateur PCF de Seine-Saint-Denis
Ivan RENAR, sénateur PCF du Nord
Odette TERRADE, sénatrice PCF du Val-de-Marne
Robert TROPEANO, sénateur PS de l'Hérault
Bernard VERA, sénateur PCF de l’Essonne
Jean-François VOGUET, sénateur PCF du Val de Marne
5 députés européens :
Françoise CASTEX, députée européenne PS
Anne FERREIRA, députée européenne PS
Benoit HAMON, député européen PS
André LAIGNEL, député européen PS
Marie-Noelle LIENEMANN, députée européenne PS
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