L’Assemblée nationale devait connaître, à partir du 30 mai, de nouveaux affrontements contre un gouvernement de droite qui accroît le désengagement de l’Etat. Il s’agit cette fois-ci du dossier logement que le projet de loi « engagement national pour le logement » (ENL) est censé traiter. Pour son passage en deuxième lecture, ce texte ravive les foudres de l’opposition. En cause : le président de la commission des Affaires économiques, Patrick Ollier, qui a réintroduit un amendement assouplissant l’obligation faite aux communes de construire au moins 20% de logements sociaux.
Le logement français en crise
3 millions de ménages modestes souffrent de « mal logement » en France. Les loyers ont augmenté en moyenne de 30% en six ans, ce qui porte le pourcentage des dépenses de logement à près de 40% des revenus des salariés ! Par ailleurs, le nombre de demandes de logements sociaux a augmenté à une vitesse vertigineuse depuis 2002 pour s’établir à 1 400 000. Autant dire que se loger pour un Français modeste, et même moyen, coïncide aujourd’hui avec un véritable parcours du combattant. A cet effet, les socialistes au gouvernement entre 1997 et 2002 avaient lancé les premières initiatives. Il s’agissait notamment de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU), de 2000, dont l’article 55 imposait aux communes de plus de 3500 habitants (1500 en région parisienne) la construction de 20% de logements sociaux.
Six ans plus tard, Jean-Louis Borloo, ministre du logement et de la cohésion sociale, présente son projet de loi baptisé « engagement national pour le logement ». L’intitulé semblait pourtant prendre avec gravité l’une des crises que connaît la France…
Les manques et aberrations du projet de loi
« Regroupant seulement 11 articles lors de son passage en Conseil des ministres, "Engagement national pour le logement" a compté successivement 63, puis 92 et désormais 110 articles à la suite des amendements ajoutés lors des différentes lectures. (…) Selon les termes de l’article 39 de notre constitution, tout projet de loi doit nécessairement être soumis à l’avis du Conseil d’Etat au début de la procédure législative. Or, en l’espèce, les conseillers d’Etat n’auront pu connaître qu’un dixième de l’ensemble du texte », a constaté avec ironie, Jean-Yves Le Bouillonnec, député en charge du logement pour le groupe socialiste à l’Assemblée. L’un des premiers défauts de ce projet de loi relève donc de son caractère inconstitutionnel.
Mais, pour les socialistes, la critique porte davantage sur un contenu qui ne s’attaque pas à la crise du logement, et pourrait même participer à son aggravation. C’est par exemple l’absence de mesures pour améliorer la situation des locataires. Les APL ont fait l’objet de restrictions budgétaires ou d’augmentations sans commune mesure avec la hausse des prix. De plus, alors que le gouvernement Raffarin avait promis de supprimer le relèvement du seuil de non-versement des aides aux logements, passé de 15 à 24 euros, rien n’est prévu dans ce projet de loi. Mais c’est aussi une remise en cause de la notion de mixité sociale. L’article 55 de la loi SRU est totalement bafoué. Non seulement, le projet de loi prévoit, malgré un rejet du Sénat, d’intégrer dans les 20% de logements sociaux obligatoires pour les communes, les prêts à taux zéro accordés dans le cadre de l’accession sociale à la propriété, mais en plus il prévoit aussi d’y entrer les aires d’accueil pour les gens du voyage !
A croire que toutes les économies ou les « raccourcis » sont bons pour se débarrasser de la question du logement social pourtant essentielle aux 2/3 des ménages français. Les réactions ont donc été à la hauteur de l’incapacité de l’Etat de répondre à cette question. A Jean-Marc Ayrault de dire qu’au « moment où nos compatriotes ont des difficultés à se loger, au moment où les prix de l’immobilier flambent, nous avons besoin plus que jamais d’une politique offensive du logement social. Et là, nous avons la réalité de la politique de ce gouvernement, c’est-à-dire une politique de droite ». Et la Fondation Abbé Pierre d’ajouter : « la loi doit viser à protéger les plus modestes, et non pas les écarter plus ou moins ouvertement ».