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 L'insécurité : enjeu de campagne ?

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Thibaut Meunier

Thibaut Meunier


Nombre de messages : 667
Localisation : La Moutade
Date d'inscription : 08/03/2006

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MessageSujet: L'insécurité : enjeu de campagne ?   L'insécurité : enjeu de campagne ? EmptySam 31 Mar - 22:16

Sébastian Roché
Sociologue, chercheur au CNRS et enseignant à l'IEP Grenoble
14 mars 2007 - Sébastian Roché évoque le thème de l'insécurité dans la campagne présidentielle. L'auteur revient sur la naissance de l'idée de « sentiment d'insécurité » et sur l'offre programmatique des candidats à ce sujet. Il souligne le fait que les émeutes de 2005 resteront les « pires émeutes de l'histoire contemporaine » et qu'elles devront figurer au bilan de Nicolas Sarkozy en tant que ministre de l'Intérieur.


Quand la notion d'insécurité s'est-elle instituée dans l'opinion ?

Le premier à avoir repris cette notion est Alain Peyrefitte, alors Garde des Sceaux de Valéry Giscard d'Estaing. Cela renvoie à la fin des années 70 et à la remise du rapport Peyrefitte. L'expression « sentiment d'insécurité » trouve alors sa place dans le débat public à ce moment-là. Il n'est donc pas exact d'affirmer comme l'a fait Nicolas Sarkozy que c'était la gauche qui avait « inventé le sentiment d'insécurité ».

Quand l'expression « sentiment d'insécurité » est-elle entrée dans les moeurs ?

C'est clairement en 1977 avec la remise du rapport Peyrefitte. Ce rapport officiel évoque le fait qu'on ne peut pas ignorer la perception que les gens ont d'un problème. Alain Peyrefitte avait fait de l'insécurité « le fil conducteur » de sa réflexion. En matière de police, on a l'habitude de parler de pouvoir régalien – « qui sert le roi ». Or à ce moment-là, on assiste au début du processus par lequel une démocratie affirme que la police doit d'abord et avant tout s'occuper des gens ordinaires, des citoyens. C'est le principal enjeu de ce rapport.



Les incivilités doivent attirer l'attention des pouvoirs publics car ce ne sont plus seulement les crimes et la délinquance qui dégradent la vie quotidienne. Le terme « incivilité » réapparaît très tardivement dans le vocabulaire usuel, à la fin des années 90. Je crois avoir été le premier à écrire sur le sujet dans l'Hexagone, à y consacrer plusieurs livres. En 1995, Le Monde a titré un article portant sur une étude que j'avais faite dans le Val d'Oise « Le poids des incivilités » Ensuite en 1996, j'écris un livre titré La société incivile au Seuil. Je m'en souviens très bien car, petite anecdote, l'éditeur ne souhaitait pas voir apparaître le mot « incivile » dans le titre : il n'évoquait rien à ce moment-là et personne ne savait ce que c'était. Par la suite, le terme « incivilité » a connu une grande diffusion en France parce qu'il renvoyait à une notion de mal-être, au vivre ensemble.

Comment définir l'insécurité aujourd'hui ?

On ne peut pas considérer la délinquance comme une chose unifiée et donner des pourcentages de hausse et de baisse de « la délinquance » prise comme un bloc. C'est pourtant ce qui est fait pendant la campagne électorale - et c'est un peu dommage.



2005 : Les pires
émeutes en
Europe
Pour décrire l'insécurité, il faut être attentif à plusieurs indicateurs. Première dimension : les émeutes. En France, on parle de « violences urbaines » : elles renvoient à la question de la cohésion sociale. Aujourd'hui, nous connaissons la situation la plus dégradée. Nous avons eu les pires émeutes de l'Europe. On n'a jamais vu d'émeutes équivalentes en Europe comparables à celle de 2005 en France. Aujourd'hui dans les quartiers défavorisés, par exemple Vénissieux dans la banlieue de Lyon, il y a plus de véhicules détruits (en 2006) qu'il y en a eu 2005, l'année des émeutes ! Le député maire de Vénissieux, André Gérin explique : « Pour nous les émeutes, c'est tous les jours ».



Finalement, elles sont très concentrées sur les quartiers défavorisés. Les pourcentages moyens de destruction à l'échelle nationale n'ont vraiment pas de sens pour mesurer l'impact de ces violences parce que leur intensité est concentrée dans des lieux géographiques précis.



Deuxième dimension : les vols. Ce sont les infractions les plus nombreuses. Il existe différents types de vols et il n'est pas utile d'entrer ici dans le détail. Nous restons aux niveaux les plus élevés connus de vols depuis 1985, sur une sorte de plateau. Il y a certaines années de baisse et d'autre de hausse. Il y a certes eu trois périodes de baisse depuis 1985 (et notamment 2002-2006), mais autant de période de hausse après coup.



Face à ce problème, chaque ministre va, à sa manière, communiquer sur le ralentissement de la hausse ou la chute des chiffres annuels. A noter, cependant, que ces chutes sont minimes par rapport au volume total et que le chiffe global reste toujours très élevé (on enregistre depuis 1985 autour de 2,3 millions de vols déclarés chaque année à la police, et de plus du double réellement commis). Cela relativise les gesticulations diverses exagérément optimistes.



Troisièmement : les violences contre les personnes, coups et blessures et autres agressions physiques ou à caractère sexuel. Ces violences n'ont jamais été aussi élevées qu'aujourd'hui. C'est une tendance qui se développe depuis 1985 de façon continue à travers tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique.



Quatrième point : c'est l'usage et le commerce de drogue. Il est mesuré avec précision depuis 1991 et se développe de manière très rapide. La consommation de produits illégaux représentent des éléments de chiffrages des entreprises criminelles. La consommation de cannabis a augmenté de 350% depuis 1990, et celui des drogues dures dans une même proportion (même si les consommateurs sont 10 fois moins nombreux que pour le cannabis). Ainsi, l'augmentation de la consommation permet de donner une idée de l'augmentation du chiffre d'affaire des entreprises criminelles dans ce domaine. On a observé en moyenne pour différentes drogues 33% d'augmentation en deux ans et on peut donc considérer que la situation n'est pas vraiment sous contrôle. Les entreprises criminelles s'enrichissent et gagnent en influence.

On parle depuis quelque temps d'« insécurité sociale ». Existe-t-il un lien avec l'insécurité physique ?

Il est effectivement possible de réaliser une corrélation entre les deux idées et ça a souvent été le cas. En fait, dans les années 70, on parlait d'un « sentiment d'insécurité sociale » et puis ce terme est devenu obsolète au profit de l'analyse de la précarité économique et du taux de chômage. C'était lié à l'augmentation du taux de chômage dans la société française. On a ainsi, à un moment donné, appréhendé la dimension subjective qui était liée au risque de perdre son emploi.



Corrélation entre insécurité sociale et insécurité physique
Ensuite, parler du sentiment d'insécurité en référence à la délinquance (1977-1981) était une manière de traiter un problème dont on ne savait pas trop quel en était le périmètre et guère mieux mesurer les évolutions. Et aussi de se référer à la perception de l'usager de la police.



Finalement, aujourd'hui, le terme « insécurité » a rencontré la fortune que nous lui connaissons. Quand on parle de sentiment d'insécurité, on pense d'abord à la délinquance. A partir de 2000, on a vu Jean-Marie Le Pen venir sur le thème de l'insécurité sociale.



L'insécurité a différentes dimensions dont une qui est liée à la criminalité, à la délinquance et à l'incivilité. L'usage de ce terme « insécurité sociale » était, d'une certaine manière, une revanche pour ceux qui pensaient que les questions de délinquance avaient pris trop de place.



Et utiliser le même terme « insécurité » que celui qui était usité pour faire référence à la délinquance en y ajoutant le mot « sociale » était un point essentiel pour ces gens là.

Pourquoi les jeunes sont-ils si souvent stigmatisés par ces phénomènes d'insécurité ?

Les raisons sont multiples mais c'est principalement parce qu'ils commettent des crimes visibles et violents.



La perception d'actes délictueux moins visibles réalisés par d'autres catégories d'âges sera jugée moins sévèrement. Pour exemple, les fraudes sur Internet ne sont perceptibles que par les victimes et ne sont jamais violentes physiquement mais, pourtant, coûtent très cher aux victimes et à la société.



En ce qui concerne la délinquance des mineurs et des jeunes, elle se caractérise par des comportements violents, désordonnés et localisés dans la rue. Les circonstances sont différentes de l'exemple cité précédemment car, dans ce cas précis, il y a une victime physique, un risque de blessure et une confrontation à une expérience traumatisante. Ce sont des caractéristiques qui marquent profondément l'individu.

Quelles sont les différentes approches programmatiques des candidats ?

Il est plutôt difficile de répondre de manière exhaustive sur ce point aujourd'hui car les programmes sont relativement succincts en l'état.



Néanmoins, ce que l'on sait du programme de Nicolas Sarkozy, c'est que ce dernier souhaite s'attaquer à l'ordonnance de 1945, qui n'existe plus en réalité parce qu'elle a été tellement de fois retouchée qu'elle n'est plus ce qu'elle était. Le candidat considère cette ordonnance comme le symbole de la lutte contre la délinquance et contre les « laxistes » - entendez par là ceux qui ne pensent pas que « la répression est la meilleure des préventions ».



Deux autres points sont notables. D'une part, il est favorable à l'introduction de « peines-planchers ». Cela signifie que les juges sont obligés de mettre une sanction minimum aux personnes ayant commis des infractions (aujourd'hui, depuis 1994, le code pénal prévoit des maximum uniquement).



D'autre part, il souhaite que les mineurs soient jugés comme des majeurs. On supprimerait alors « l'excuse de minorité » qui avait été introduite avec le code pénal des mineurs dans presque tous les pays européens et qui autorise à diviser par deux le maximum de la peine encourue (cela varie suivant l'âge du mineur). La proposition de Nicolas Sarkozy est de dire que les mineurs d'aujourd'hui sont « différents » de ceux de 1945 et par conséquent ils doivent être jugés comme les majeurs.



Les mineurs de 1945 comparables à ceux de 2006 : une idée incertaine
Personnellement, je ne suis pas d'accord avec ces propositions parce que l'idée que les mineurs de 1945 ne sont pas les mineurs de 2006 est une idée dont le fondement est incertain. Il est ici question de savoir si les mineurs d'aujourd'hui sont plus matures que ceux d'il y a 50 ans. Je ne vois pas comment, objectivement, il est possible d'opposer les mineurs de ces deux époques.



Par ailleurs, certains pays ont essayé de mettre en place cette réforme et les études qui ont été faites ont été dans l'incapacité d'en mesurer les effets bénéfiques. Au contraire, elles tendent à aggraver la récidive. Ce sont des dispositions très symboliques qui rencontrent bien souvent l'adhésion de l'opinion publique mais qui n'auront pas d'efficacité.



C'est un peu ce qu'on pourrait reprocher à ce candidat sur les questions de sécurité - à savoir qu'il fait beaucoup de communication mais ne met pas en place d'actions qui ont une réelle efficacité (il faut lui reconnaître en revanche une bonne capacité à identifier les problèmes et à les nommer). Le reproche serait sensiblement le même à l'égard de la gauche d'ailleurs : qu'annonce-t-elle de précis en matière de lutte contre la récidive ?



Ségolène Royal a avancé quelques éléments dans ses 100 propositions. Elle est plutôt sur l'idée de limiter l'usage de la prison pour les mineurs, c'est une véritable différence de ce point de vue-là avec le candidat UMP. Cela concerne notamment les prévenus - les prévenus étant les personnes n'ayant pas été condamnées définitivement. Elle a un discours qui veut limiter la prison d'un côté et de l'autre avoir une réponse plus ferme à l'encontre des mineurs mais dont la prison ne serait pas le principal outil. La gauche n'assume pas assez nettement la nécessité de neutraliser les délinquants violents.



Enfin, autre point de clivage : la candidate socialiste propose de recréer une police de quartier. C'est le nouveau nom de la police de proximité. C'est là une différence notable avec Nicolas Sarkozy, ce dernier ayant pour argument de dire que la police de proximité a été une faillite (ce qui est faux : pendant la période 1997-2001, la police a augmenté son activité, le nombre de mises en cause, de gardes à vue etc… de manière continue). La candidate Royal propose de faire des investissements importants dans un nombre de sites limités pour réimplanter une police suffisamment nombreuse pour être dissuasive dans les quartiers difficiles. A la différence de la police de proximité qui devait être « généralisée » à l'ensemble du territoire national, la police de quartier se concentrera dans les endroits difficiles et de fait bénéficiera donc de plus de moyens.



Je suis favorable à cette nouvelle police de proximité dans les quartiers : la police ne sera efficace en profondeur que si elle opère de l'intérieur des quartiers pauvres, pas si elle apparaît comme une force hostile y faisant des raids. Cependant, la mise en œuvre sera confrontée à de nombreux obstacles.

pas.


Dernière édition par le Sam 31 Mar - 22:18, édité 1 fois
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Thibaut Meunier

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MessageSujet: Re: L'insécurité : enjeu de campagne ?   L'insécurité : enjeu de campagne ? EmptySam 31 Mar - 22:17

Un consensus a-t-il déjà été envisagé entre les partis de gauche et de droite sur cette problématique ?

Des points de consensus très forts amoindris depuis 2002
Il y a bien des rapprochements entre la gauche et la droite au cours des années 90. Il y avait donc bien des points de consensus très forts mais qui se sont amoindris depuis 2002.



Il y a un consensus gauche-droite sur un certain nombre de dispositions relatives aux mineurs : sur les centres éducatifs fermés ou les centres éducatifs renforcés (CER). En fait, ces CER avaient été appelés par la droite unités éducatives renforcées (UEER) et la gauche les avait désavoués avant de créer les CER qui sont exactement la même chose, seule la dénomination avait changé. En 2002, les candidats Chirac et Jospin étaient favorables aux centres éducatifs fermés (CEF).



Sur la police de proximité, il faut se souvenir que Charles Pasqua – alors ministre de l'Intérieur dans le gouvernement d'Edouard Balladur et nettement conservateur – s'est prononcé en faveur de la police de proximité. Il l'a inscrite dans une loi. Les notes de service de la police nationale valident les principes de la police de proximité. Il y a donc un consensus sur cette orientation de la police jusqu'en 2002.



Celui qui crée la fracture, assez habilement, c'est Nicolas Sarkozy. Il invente le mythe selon lequel le sentiment d'insécurité est inventé par la gauche (cf. plus haut) et selon lequel la police de proximité est une police de gauche (donc molle et inefficace). Alors qu'en fait Charles Pasqua en valide les principes dès 1995. Nicolas Sarkozy a, sur ces points, réinventé l'histoire avec conviction.

Comment interpréter les violences de ces deux dernières années ?

Concernant les violences de 2005, il n'y a pas de précédent historique à ces émeutes. Il faut probablement remonter à « la grande peur » de 1789 pour retrouver un phénomène de même envergure. D'habitude, depuis 1981, on connaissait une émeute dans une ville et elle durait quelques jours. La nouveauté de ces violences concerne la diffusion sur l'ensemble du territoire. Comment cela a-t-il été rendu possible ?



La première chose qui a été perçue est que les pouvoirs publics doivent, pour apaiser la douleur et la colère, s'associer au deuil lorsqu'il y a un décès d'un enfant, ce qui n'a pas été le cas en 2005. S'ils ne s'y associent pas, que ce soit le préfet ou le ministre de l'Intérieur, cela renforce la colère. On doit être attentif à la question de la gestion de l'émotion dans ces situations.



La police dépassée par la diffusion des émeutes
La deuxième chose ayant été observée concerne la relation entre la police nationale et les autorités locales. Les élus locaux voyaient la température augmenter et avaient prévenu les autorités nationales ou ses représentants. Pourtant, les renforts de police pour contenir l'émeute n'ont pas été affectés là où il le fallait au moment où il le fallait. Cela découle de la structure administrative de la France : il existe un clivage en France entre la police nationale qui répond aux impératifs et directives de son ministre et une gestion des villes exercée par des autorités municipales. Finalement, ces deux ensembles sont coupés l'un de l'autre.



On doit travailler sur cette relation de la police avec un territoire précis. Pour qu'une police soit efficace, il faut qu'elle soit insérée dans ce territoire et il faut qu'elle ait l'habitude de travailler avec les autorités locales. A mon sens, on n'a pas réussi à gérer les émeutes à cause des problèmes de communication et d'information. Une bonne gestion de crise aurait pu éviter la contamination nationale.



Le troisième point concerne le fait que la police – qui est nationale dans son organisation - a été dépassée par la diffusion des émeutes. Le système actuellement en place, qui dispose de réserves nationales de forces mobiles – CRS, gendarmes mobiles – donc mobilisables partout sur le territoire national, apparemment cohérent a été totalement insuffisant. Cela s'explique par l'extériorité des CRS et autres gendarmes mobiles au terrain sur lequel ils ont opéré au cours de ces émeutes et aux règles d'engagement des forces, tout comme à la fragmentation du commandement en situation de crise.. Les forces mobiles coûtent beaucoup d'argent, sont surdimensionnées - plus de 30 000 gendarmes mobiles et CRS -, et mal insérées dans le fonctionnement concret de la police.

Que dire du bilan de Nicolas Sarkozy à l'Intérieur ?

Ce qui caractérise son passage au ministère de l'Intérieur est probablement l'absence de grand chantier au bénéfice du public. La gauche, quant à elle, avait eu un chantier considérable avec la police de proximité, ce qui engendrait une réorganisation complète du fonctionnement de la police. Il y avait à gauche un projet de rénovation très important mais il n'y avait ni de leadership politique suffisant ni de moyens économiques suffisants.



Le paradoxe est le suivant : lorsque la droite arrive au pouvoir en 2002, elle a le leadership avec Nicolas Sarkozy, avec la majorité parlementaire - donc la possibilité d'imposer ses choix. Il va obtenir les crédits suffisants soit 5,6 milliards d'euros mais sans projet de réforme de la police portant sur les objectifs. On confondra les moyens et les fins, l'interpellation et la sécurité. On aura vu tour à tour à une majorité avec un projet mais sans les moyens et une majorité avec les moyens mais sans projet.



La loi devient un outil de communication politique. Nombre de réformes techniques sont adoptées mais sans vision globale de ce qu'est la police et de ce qu'elle doit faire : se mettre au service du public. Rompre avec le modèle de la police qui sert le roi, la police régalienne.



L'absence
de grand chantier au bénéfice du public
Pour ma part, je constate que la question sur les rapports entre police et minorités et la question des banlieues sont totalement éludées par le gouvernement actuel. Or ce sont des questions très importantes selon moi. Pour que la police soit légitime, il faut qu'elle soit présente de manière continue et réponde aux demandes de la population et notamment dans les quartiers difficiles et défavorisés. Ceux-là ne peuvent compter sur le marché de la sécurité. Ils n'ont que le service public.



Ce qui restera probablement de l'action de Nicolas Sarkozy au gouvernement sera deux symboles. D'abord, les groupements d'intervention régionaux (GIR) qui symbolisent l'unité de la police, des douanes, du Fisc et donc l'unité de l'Etat en action. Cette réforme a été amplifiée par M. Sarkozy. Ensuite, les pires émeutes de l'histoire contemporaine seront, également, associées au passage de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur dans l'histoire de la période. Ce sont les deux traits saillants qui vont rester. Tout son savoir-faire aura été de faire oublier à court terme les émeutes et de reléguer au second plan l'idée que les violences contre les personnes, les émeutes, le commerce de drogues et l'économie criminelle sont à leur plus haut niveau. Mais rétrospectivement, cela ne trompera personne.

Et que pensez vous de l'accent qu'il met sur la mobilisation des forces de l'ordre ?

Il convient de revenir sur les explications proposées des tendances délinquantes. Le ministre aura convaincu les journalistes que la situation s'améliore (mais pas les habitants des Zones Urbaines Sensibles). Il aura également réussi à convaincre que s'il y a moins de vols aujourd'hui, c'est grâce à l'action des forces de police alors que c'est principalement dû aux avancées technologiques des entreprises de sécurité. Dans toute l'Europe, les vols de voitures, par exemple, sont moins nombreux parce que ce sont les entreprises privées qui protègent mieux leurs produits (alarme, coupe circuits etc….). Or il s'agit des gros bataillons des vols enregistrés par la police.



Il aura enfin expliqué que la police est plus efficace parce qu'elle augmente son taux d'élucidation (le fait de trouver l'auteur d'un délit). Ceci n'est pas exact : les délits les mieux élucidés ont continué à progresser tandis que les moins bien élucidés ont diminué ! En réalité, ce sont les volumes de la délinquance qui déterminent l'essentiel des taux d'élucidation (et non pas le contraire). Le ministre qui arrive au moment où la délinquance explose voit mécaniquement le taux d'élucidation baisser (comme il y a beaucoup plus de délits, l'activité policière, même en hausse, tend à peser moins : le ratio « nombre de faits élucidés divisé par le nombre de délits » diminue d'autant plus que le dénominateur – le nombre de délits – croît). Celui qui arrive à un moment où les vols d'automobiles baissent parce que les constructeurs les protègent mieux, et donc à un moment où il y a moins de délit, voit le taux d'élucidation augmenter.

Quelles mesures pourraient atténuer le sentiment d'insécurité et la délinquance ?

D'une part, en matière de police, je dirais faire de la police non pas une fonction régalienne mais un service public. Ce serait vraiment la priorité. La police doit être celle du peuple et non celle de l'homme qui la dirige. La police doit être tournée vers les citoyens et répondre à leur demande et les usagers doivent être associés à la définition des priorités locales.



D'autre part, la recherche d'efficacité qui passe par la connaissance. La police et la justice sont caractérisées par le faible usage de la formation et de l'analyse des informations. En France, on ne passe pas par des phases d'expérimentation et d'évaluation. On ne devrait pouvoir généraliser une réforme que si elle a prouvé son efficacité. Il faudrait développer la réalité de l'expertise sur les mesures afin de déterminer celles qui sont réellement efficaces pour essayer de ne plus diffuser des mesures qui ne le sont
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