Il y a quand même de trois trucs à remettre au point:
Les électeurs polonais ont massivement rejeté, lors de ces élections, la « gémellocratie » des frères Kaczyński : Lech, Président de la République (depuis fin 2005) et Jaroslaw, Premier Ministre (depuis juillet 2006). Membres fondateurs du parti PiS (Droit et Justice), conservateurs de droite, ils se sont montrés arqueboutés sur les valeurs de la « Polonité » catholique et nationaliste. Leur coalition gouvernementale comportait en outre la Ligue des Familles polonaises et le parti Autodéfense de la République de Pologne
La LPR (Ligue des Familles Polonaises) est un mouvement d’extrême-droite religieuse, antisémite plus qu’à l’occasion, ouvertement xénophobe et réactionnaire, dont le président, Roman Giertych, fut Ministre de l’Education, et tenta d’ « épurer l’enseignement des homosexuels et autres déviants » ainsi que de modifier la liste officielle des auteurs lus par les lycéens, en y enlevant des grands noms comme Gombrowicz, Dostoïevski et Kafka. Autodéfense de la République de Pologne est un parti d’origine paysanne et populiste, ultra-nationaliste et anti-européen.
Ils furent soutenus activement par le groupe de média catholique extrémiste et très violent du père Rydzyk, qui comprend notamment la très influente Radio Maryja. Leur politique intérieure comme internationale était souvent faite de provocations (sur le poids de la Pologne au sein de l’UE, sur la peine de mort et l’avortement, entre autres).
Après cette parenthèse sombre, les Polonais ont décidé de sanctionner les jumeaux et ont donné une majorité presque absolue (44.7%) au parti de droite libérale PO Plateforme Civique, dirigé par Donald Tusk, qui gouvernera avec le PSL, parti agrarien centriste.
Néanmoins, PiS a obtenu 31.3% des voix, ce qui montre l’importance de l’électorat conservateur en Pologne, composé surtout de personnes âgées, de ruraux, de déçus de la transition. Cet électorat est extrêmement sensible à la propagande de Radio-Maryja.
Par ailleurs, PO est un parti de droite, extrêmement libéral en matière économique et conservateur sur les sujets de société. En effet, PO et PiS sont tous deux issus de l’éclatement du parti de droite AWS en 2001, et les Libéraux avaient soutenu certaines des mesures les plus provocatrices du Gouvernement. Si nous pouvons nous réjouir des deux premières annonces de Donald Tusk (retrait des troupes polonaises d’Irak et l’adhésion par la Pologne de la Charte des Droits Fondamentaux), nous savons que le nouveau Gouvernement ne compte pas modifier la législation la plus restrictive d’Europe sur l’avortement, ni celle sur la « lustration », qui obligeait les intellectuels polonais à se justifier sur leur passé durant la période communiste.
C’est pourquoi nous espérons fortement que l’avenir de la politique polonaise se fera avec un rééquilibrage à gauche, car actuellement la droite pèse plus de 75% ! Une renaissance de la gauche social-démocrate en Pologne est en effet indispensable pour mener les évolutions sociales qu’attend le pays.