Né le 9 avril 1872 à Paris, Léon Blum appartient à la bourgeoisie juive alsacienne. Après des études de Droit à la Sorbonne et un brillant passage par l’Ecole Normale Supérieure, il entre au Conseil d’Etat en 1895. C’est un homme très cultivé, et un critique littéraire de renom. Il devient socialiste en 1899, sur fond d’affaire Dreyfus, grâce notamment à l’influence de Lucien Herr et de Jean Jaurès. "C’est de Jaurès, que je tiens tout ce que je pense et tout ce que je suis". Comme le député de Carmaux, Léon Blum veut lui aussi réaliser la synthèse entre socialisme et démocratie, entre réforme et révolution, entre patriotisme et internationalisme. Il veut contribuer à réaliser l’unité socialiste.
Elu député de Paris pour la première fois en 1919, il participe au Congrès de Tours. C’est à partir de ce moment qu’il va dominer l’histoire du socialisme français de la première moitié du XXe siècle. Il défend inlassablement une ligne démocratique face aux 75 % de délégués emmenés par Marcel Cachin qui suivent la ligne dictée par Lénine et le Komintern. Perspicace et visionnaire, il entrevoit les risques et les dérives engendrés par l’adhésion au parti unique qui porte en lui la fin de la démocratie. "Ce socialisme neuf, dit-il, repose sur une vaste erreur de fait qui a consisté à généraliser [...] un certain nombre de notions tirées de l’expérience de la Révolution russe elle-même". Blum analyse : "Au lieu de la volonté populaire se formant à la base et remontant de degré en degré, votre régime de centralisation comporte la subordination de chaque organisme à l’organisme qui lui est hiérarchiquement supérieur ; c’est au sommet, un comité directeur de qui tout doit dépendre, c’est une sorte de commandement militaire formulé d’en haut et se transmettant de grade en grade, jusqu’aux simples militants, jusqu’aux simples sections. [...] L’unité dans le parti était jusqu’à ce jour une unité synthétique, une unité harmonique, c’était une sorte de résultante de toutes les forces, et toutes les tendances intervenaient pour fixer et déterminer l’axe commun de l’action. Vous, ce n’est plus l’unité en ce sens que vous cherchez, c’est l’uniformité, l’homogénéité absolues. [...] Moscou exige une épuration complète et radicale de tout ce qui est jusqu’à présent le parti socialiste." Il conclut : "Nous sommes convaincus que pendant que vous irez courir l’aventure, il faut que quelqu’un garde la vieille maison".
Désormais gardien de la vieille maison avec une poignée de camarades, Blum et Paul Faure maintiennent la SFIO comme la principale formation de gauche. En 1924, Blum soutient le Cartel des gauches autour d’Edouard Herriot. Un an après, lors du Congrès de janvier 1926, alors que les socialistes sont confrontés aux réalités du pouvoir, Blum pose clairement, au risque d’une crise interne au parti, la question de la conquête et de l’exercice du pouvoir. Les socialistes semblent coincés dans la contradiction existant entre la volonté révolutionnaire de prise du pouvoir et la pratique réformiste de l’exercice du pouvoir au côté des partis bourgeois. Blum conscient de cette contradiction, propose une troisième issue. Le parti devrait assumer ses responsabilités gouvernementales qu’à la condition d’être maître du jeu. L’acceptation des règles démocratiques conduit nécessairement à un légalisme qui peut que provoquer des déceptions révolutionnaires chez les "masses justement impatientes". En revanche, au prix d’une perte de sa spécificité, le parti est en mesure d’accélérer le rythme des réformes. "Bien qu’en ce qui concerne la conquête du pouvoir, je ne sois pas légaliste, je le suis en ce qui concerne l’exercice du pouvoir. J’estime que si le déroulement des pratiques parlementaires nous appelle à exercer le pouvoir dans le cadre des institutions actuelles, nous devrons le faire légalement, loyalement, sans commettre cette espèce d’escroquerie qui consisterait à profiter de notre présence au gouvernement pour transformer l’exercice du pouvoir en conquête du pouvoir".
Léon Blum est réélu député en 1929 et régulièrement jusqu’en 1936. Les événements du 6 février 1934 permettent un regroupement des forces socialistes, communistes et radicales dans le Front populaire au sein duquel la SFIO est majoritaire.
Cette coalition gagne les élections législatives de 1936 après avoir remporté d’importants succès aux municipales. Léon Blum devient le premier socialiste Président du conseil le 5 juin 1936.Socialiste et juif, Blum est une cible de choix pour les éructations de Maurras et ses amis. Dans l’Action française, on peut lire : "c’est en tant que Juif qu’il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre Blum". De fait, il échappe à une tentative d’attentat. A droite, le député maurassien Xavier Vallat lance : "Votre arrivée au pouvoir marque incontestablement une date historique. Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain va être gouverné par un juif. J’ose dire à haute voix ce que le pays pense en son for intérieur ; il est préférable de mettre à la tête de ce pays un homme dont les origines appartiennent à son sol... qu’un subtil talmudiste".Le gouvernement du Front populaire entreprend des réformes sans précédents dans le pays. Mais il ne résiste pas aux travers qui conduisent à l’instabilité chronique de la IIIe République.
Il tombe le 21 juin 1937, miné par les divisions de la gauche, nées en particulier de la politique de non-intervention en Espagne et par l’hostilité de la droite. Blum forme un nouveau gouvernement en mars-avril 1938, mais doit de nouveau se retirer devant l’opposition du Sénat.
En 1940, Blum est de ceux qui refuseront les pleins pouvoirs à Pétain. Le nouveau régime instruit le procès de Riom au cours duquel, Blum est accusé d’être le "responsable de la défaite". Blum, l’avocat du socialisme démocratique à Tours, se fait avocat de la république et de la liberté à Riom, mettant le vainqueur de Verdun face à ses contradictions. Celui-ci décide le 7 avril 1942, de suspendre les séances de la Cour de Riom, et, en même temps condamne Léon Blum à la prison à vie. D’avril 1942 à mars 1943, Blum est détenu à la maison d’arrêt de Bourrasol. Fin mai 1943, il est déporté à Buchenwald. Le camp est libéré en 1945.
Blum revient au pouvoir en 1946 pour un mois. Son rôle essentiel consiste alors à négocier l’aide des Etats-Unis pour assurer le relèvement du pays. Il livre ses derniers combats en faveur de la décolonisation, de l’efficacité de l’action des socialistes au gouvernement et Israël. Blum meurt le 30 mars 1950.
"On est socialiste à partir du moment où l’on se refuse à accepter la figuration actuelle des faits économiques comme nécessaire et éternelle, à partir du moment où l’on a cessé de dire : bah ! c’est l’ordre des choses, il en a toujours été ainsi et nous n’y changerions rien. A partir du moment où l’on a senti que ce soit disant ordre des choses était en contradiction flagrante avec la volonté de justice, d’égalité, de solidarité qui vit en nous".