La polémique commence en 1954, date de la parution du traité de René Rémond, La droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et diversité politique, qu’il reprend en 1982 sous le titre Les droites en France . L’historien classifie les droites françaises en trois grandes familles, bonapartistes, légitimistes et orléanistes. Il s’oppose en cela notamment à Zeev Sternhell pour qui, il existe en France une variante française de fascisme dont il voit les prémisses dans le boulangisme et l’affaire Dreyfus, la naissance dans les années 20, le prolongement dans les années 30 et le couronnement sous le régime de Vichy.
Selon René Rémond, cette interprétation vient d’un contresens : la gauche française des années 30 aurait rejeté tous ces adversaires dans le camp fasciste : « les marxistes en particulier ne pouvaient faire autrement qu’assimiler droite et fascisme : le fascisme n’était que la dernière invention de la bourgeoisie capitaliste pour perpétuer sa domination menacée par la montée des forces ouvrières ».
Ce débat pose la question de la nature du fascisme. Celle de Zeev Sternhell est large : « Les mouvements fascistes […] participent d’une même généalogie : une révolte contre la démocratie libérale et la société bourgeoise, un refus absolu d’accepter les conclusions inhérentes à la vision du monde, à l’explication des phénomènes sociaux et des relations humaines de tous les systèmes de pensée dit « matérialistes ». La poussée du fascisme apparaît comme une des excroissances de la crise du marxisme et de la crise du libéralisme, comme une des conséquences des énormes difficultés que rencontrent aussi bien le marxisme que la démocratie libérale, face aux réalités du XXe siècle.»
En revanche, pour René Rémond, « l’appellation doit être réservée au régime sous lequel l’Italie a vécu entre 1922 et 1943 […]. A la limite, la notion de fascisme en est venue à désigner tous les mouvements et les régimes qui compriment les libertés et asservissent les citoyens à la tyrannie du pouvoir, quelle que soit l’inspiration de celui-ci. C’est ainsi que le régime de l’Union soviétique a pu être qualifié de fasciste. Fasciste est alors synonyme de totalitaire et la notion finit par se confondre avec celle d’autorité et de réaction. »
Face à la définition sans doute trop vague de Sternhell, et à celle trop étroite de Rémond, nous optons pour celle donnée par Berstein dans un article de 1984 . Celle-ci repose en effet sur des critères précis : l’irruption des masses dans le jeu politique, le rôle de la guerre, la recherche d’une « troisième voie », le totalitarisme dans la pratique du pouvoir. On peut donc, selon Bernstein, déceler en France « les germes du fascisme », notamment chez des intellectuels comme Brasillach ou Drieu La Rochelle. Mais dans sa grande majorité, les droites françaises n’ont pas été « contaminées » à cause de l’implantation ancienne de la démocratie française.
Philippe Burrin considère que le fascisme français dans les années 30 a « parasité » la droite et précise « que le phénomène n’eut dans son cas qu’une importance limitée, un peu comme si le parti nazi n’avait fait autre chose que ses 2,6 % des années 1928 » . Les raisons de cet échec seraient : « l’enracinement de la démocratie, en particulier dans les classes moyennes, l’existence de traditions de droite bien implantées, la réaction unitaire de la gauche, enfin un état de la mentalité collective fait de conservatisme et de pacifisme. »
Les droites des années 30 ne peuvent donc, dans leur immense majorité, être considérées comme fascistes.
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