Retour sur la situation des Droits de l’Homme en Birmanie
Si l’on en croit les rapports d’Amnesty Internationale et de Reporters sans Frontières, l’état de la démocratie en Birmanie est véritablement alarmant. D’une des pires dictatures au monde, on ne pouvait guère s’attendre à mieux... retour sur la situation démocratique de la Birmanie, en quatre points.
Diversité des partis politiques, liberté d’association et liberté d’expression :
Ceux sont en effet les conditions fondamentales d’une pratique démocratique saine. Concernant la Birmanie, inutile d’aller chercher très loin, cette diversité est en pratique quasi-inexistante, pas plus que les libertés d’association ou d’expression n’y sont respectées. Une loi, strictement appliquée, limite en effet l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Tandis que les autorités en place travaillaient à élaborer une nouvelle Constitution, des pressions étaient exercées sur les opposants politiques afin qu’ils quittent les partis d’opposition qu’ils formaient. D’une manière plus générale, et encore aujourd’hui, tenter d’exercer son droit à la liberté d’expression, participer à des actions politiques non-violentes, ou organiser des réunions à caractère politique mène directement à la case prison.
Fin 2006, on dénombrait 1185 prisonniers politiques en Birmanie, dont au moins deux condamnés à mort. Une grande partie des dirigeants d’oppositions est aujourd’hui en prison ou en détention administrative. Par ailleurs, depuis avril 2006, les militants et sympathisants de la NLD et du SNLDP (Parti de la ligue des nationalités chans pour la démocratie) sont victimes de harcèlement et de menaces, au point que fin 2006, selon les médias officiels birmans, des centaines de membres de la NLD avaient quitté le parti.
Constitution :
Une Convention nationale s’est réunie en janvier puis en octobre, afin de rédiger une nouvelle Constitution. Or, la National League for Democracy (NLD, principale formation d’opposition) était absente de ses sessions de travail. Quand bien même aurait-elle été là, ça n’aurait probablement pas changé grand chose, la loi birmane sanctionnant toute remarque critique concernant la Constitution.
De ce fait, les délégués à la Convention n’étaient pas autorisés à s’exprimer librement. Des décisions relatives au rôle de l’armée, et aux droits et devoirs des citoyens ont donc été prises de façon unilatérale. Les médias birmans n’ont eu par ailleurs un accès que très restreint à la session inaugurale de la Convention Nationale.
Prisonniers politiques :
L’exercice pacifique de droits démocratique fondamentaux est répréhensible aux yeux des actuelles lois birmanes. A ce titre, de nombreux opposants politiques ont été traduits en justice, et leurs procès se sont déroulés dans des conditions ne respectant pas les normes internationales d’équité. Aucun mandat n’a été présenté lors des arrestations, et les prévenus, qui n’ont pas eu droit à l’assistance d’un avocat, ont été maintenus en détention au secret prolongé. L’an dernier, Htay Kywe, Ko Ko Gyi, Paw U Tun, Min Zeya et Pyone Cho, déjà emprisonnés par le passé pour délit d’opinion, ont été interpellés et emprisonnés au secret pendant plus de trois mois, afin, selon les autorités, d’éviter une insurrection. Quatres autres personnes, parmi lesquelles U Aung Thein, soixante-dix-sept ans, membre du Comité Centrale de la NLD, ont été arrêtées en avril dernier et condamnées en juillet à vingt ans de réclusion. U Aung Thien avait reconnu avoir possédé un téléphone satellitaire lui permettant de communiquer avec des dirigeants de la NLD réfugiés à l’étranger. Pour avoir fait signer une pétition demandant la libération de plusieurs leaders politiques emprisonnés, Win Ko, membre de la NLD, aurait également été condamné à trois ans de prison.
Il avait été inculpé sous un tout autre motif : la vente de billets de loterie illégaux. Autre cas, celui de Chit Thein Tun et de Maung Maung Oo, qui, s’étant réfugiés en Inde, ont été enlevés et remis aux autorités. Arrêtés, torturés, ils ont été condamnés à la peine de mort à l’issue d’un procès mené dans le secret le plus total. Motif, selon l’accusation : avoir fait exploser une bombe sur la frontière entre la Birmanie et l’Inde. Enfin, la détention de Daw Aung San Suu Kyi, U Tin Oo, Daw May Win Myint et Than Nyein, hauts responsables de la NLD, a été prolongée d’un an. Les deux derniers ont été arrêtés en octobre 1997, alors qu’ils avaient déjà purgé les sept ans d’emprisonnement auxquels ils avaient été initialement condamnés. Il faut rappeler que ces prisonniers d’opinion sont actuellement détenus sans inculpation ni jugement.
Liberté de la presse, accès à l’information :
L’accès à Internet est restreint. De nombreux sites sont bloqués par le gouvernement, qui soumet par ailleurs des embargos périodiques sur certains services gratuits de messagerie électronique. Les cybercafés sont équipés d’ordinateurs prennant automatiquement des captures d’écran toutes les cinq minutes, afin de contrôler l’activité des internautes.
La presse d’Etat permet par ailleurs aux autorités de dénoncer les partis d’opposition. Les médias officiels et privés sont soumis à un contrôle drastique. Depuis 1962, le Bureau de la Censure impose un droit de regard aussi bien sur le contenu de l’information mais aussi sur les programmes de télévision ou les illustrations. Il existe des sujets interdits, tels que la démocratie, la détention d’Aung San Suu Kyi, ou la crise socio-économique. Des sujets internationaux sont également régulièrement passés sous silence. S’il existe des magazines privés, la radio et la télévision sont uniquement officiels. Depuis 2006, l’écoute téléphonique a d’ailleurs été renforcée, et des civils ont été formés à la dénonciation des informateurs des médias internationaux.
L’Office of strategic Studies, organe de propagande de la junte, rédige régulièrement des articles attaquant le prix Nobel de la paix attribué à Aung San Suu Kyi. Par ailleurs, les journalistes étrangers doivent exercer avec un visa de touriste, tant il est difficile d’obtenir un visa de presse. Des dizaines de militants des droits de l’homme et de journalistes sont d’ailleurs blacklistés, et donc interdits de visite sur le territoire.
D’autre part, six journalistes birmans sont aujourd’hui incarcérés. Win Saing, photojournaliste, a été arrêté le 28 août 2007, tandis qu’il photographiait des militant de la NLD apportant des offrandes aux moins manifestant à Rangoon. Il est actuellement détenu au commissariat de police de Thanlyin, près de Rangoon, et risque des mauvais traitements. U Win Tin, soixante-dix-sept ans, célèbre rédacteur en chef birman, est détenu depuis juillet 1989, et ne devrait être libéré qu’en 2009, soit après vingt années d’emprisonnement - il est l’un des organisateurs des manifestations de 1988-, pour “propagande antigouvernementale”. En 2007, il a lancé un appel à la résistance contre le régime militaire : “Tous les prisonniers politiques doivent être libérés et le Parlement démocratique doit être réuni. Nous ne devons pas abandonner ces demandes”.
U Thaung Sein et Ko Moe Htun, respectivement photojournaliste et éditorialiste du magazine religieux Dhamah-Yate, devraient également être libérés en 2009, après trois ans d’emprisonnement, pour avoir pris des clichés de Naypyidaw, la nouvelle capitale exigée par le générale en chef de la junte militaire. Le juge, lors de leur procès, n’avait pas pris la peine d’écouter les deux journalistes, ni de convoquer des témoins. Monywa Aung-Shin, ancien responsable de la rédaction du magazine Sar-maw-khung (“le monde littéraire”), interdit en 1990, et responsable de l’information de la NDL, a été condamné à sept ans de prison en 2000, en vertu de la loi 17(20) de la loi d’urgence. Enfin, Ne Min, ancien collaborateur de la BBC, avait été arrêtés pour avoir transmis des informations à des médias basés à l’étranger. Depuis le 19 août 2007, début des manifestations, Reporters sans frontières et la Burma Media Association ont recensé 24 violations sérieuses de la liberté de la presse, interpellations et agressions, entre autres.