José María Aznar, ex-président du gouvernement espagnol (1996-2004) publie, à quelques mois des élections générales, un ouvrage intitulé "Lettres à un jeune Espagnol". Une contribution inquiétante à la dérive réactionnaire de la droite espagnole...
José María Aznar, ex-président du gouvernement espagnol (1996-2004) publie, à quelques mois des élections générales, un ouvrage intitulé lettre à un jeunes Espagnol.
Dans ces 17 lettres qui se veulent très pédagogiques, il expose sa vision de la politique, et critique l’actuel gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero pour avoir :
légalisé le mariage entre personnes du même sexe (« que se passera-t-il lorsqu’un enfant ne pourra appeler père ni mère ceux qui prétendent être ses géniteurs ? (…) Quelle idée du monde auront des enfants ainsi élevés ? L’idée que tout est possible ? Que les lois peuvent donner satisfaction à tous les désirs ? »).
tenté des négociations avec les terroristes basques de l’ETA.
fait alliance avec l’islamisme radical.
nié le « fait national » et « propagé de manière irresponsable la légende noire sur notre Histoire ».
Il entend sans doute, par « légende noire », évoqué des épisodes tels que les crimes du franquisme, ou le système de terreur mis en place pendant cinq siècles par l’Inquisition, ou encore les massacres d’Indiens aux Amériques à partir de 1492.
Au delà des attaques contre le gouvernement de Zapatero, dont il semblerait que le laxisme ait plongé l’Espagne dans l’anarchie la plus absolue, deux thèmes récurrents ponctuent son discours : l’importance de la famille (« je crois, Santiago, en une famille composée par un homme et une femme, avec des enfants »), et, surtout, l’exaltation du sentiment patriotique espagnol.
La question du nationalisme est un sujet extrêmement polémique en Espagne depuis des années. L’Espagne est une monarchie d’agrégation, elle ne s’est pas construite sur un modèle centralisateur. Les différents royaumes qui la composaient gardaient leurs lois, leur langue, parfois même leur monnaie. Aujourd’hui, certaines régions (Catalogne et Pays Basque en particulier) sont très attachées à ce qu’elles considèrent comme leur « identité », et font parfois de cet attachement sentimental un combat politique contre le Gouvernement central de Madrid. A l’inverse, les Espagnols des autres régions répondent à ce rejet par un autre rejet, et nient la légitimité des nationalismes périphériques. L’agressivité du ton entre nationalistes espagnols et nationalistes catalans ou basques n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Dans ce contexte délicat, les propos de José-Maria Aznar n’ont rien d’apaisant : « L’Espagne, en plus d’un devoir est une passion et un sentiment profond. Le fait d’être espagnol imprègne toute chose, tant notre nation est puissante. Si elle était en danger, ce seraitt ta propre intégrité individuelle qui courrait un risque ».
Plus théoriquement, il estime que « la nation n’est un concept ni discuté ni discutable ». Cette conception essentialiste de la nation ne résiste guère à l’étude historique de la construction des états-nations. Non, le sentiment d’appartenance national n’est pas consubstantiel à la nature humaine. La nation est, au contraire, une construction humaine,« le résultat de volontés individuelles », selon les termes d’Ernest Renan ; elle résulte d’un choix conscient, et peut cesser d’être n’importe quand. Il est inquiétant de voir un homme politique de premier plan tomber dans ce type de discours irrationnel, pour ne pas dire fanatique.
Rappelons par ailleurs, puisque Monsieur Aznar est un homme politique, que ne nationalisme n’est en rien une pensée politique. Il ne propose et ne défend aucune vision du monde. Il appartient au registre du sentiment, et les dérives auxquelles il peut donner lieu imposent aux responsables politiques la plus grande prudence lorsqu’il en est question. Aznar (et son discours reflète bien sûr la « pensée » de la droite espagnole), loin d’adopter une posture pacificatrice, entretient et exacerbe par ses propos la spirale de tension et de haine qui crispe l’Espagne.
Si l’on ajoute à cela des propos d’un conservatisme exacerbé concernant la structure familiale, des allusions récurrentes à la religion et au Pape, et des propos souvent contradictoires (« la croyance selon laquelle seul ce qui est scientifiquement prouvé est vrai est ennemie de la liberté » et « le Pape nous a alertés sur les croyance religieuses qui considèrent acceptables des comportement cruels et ouvertement irrationnels »), on a tout lieu de s’inquiéter de l’évolution ultra-conservatrice de la droite espagnole.