Louise Michel est née le 29 mai 1830 en Haute-Marne au château de Vroncourt, fille d'un châtelain (plus vraisemblablement de son fils) et de sa servante, Marianne Michel. Elle grandit dans la famille de ceux qu’elle appelle ses grands-parents, où elle semble avoir été heureuse, se montrant, très jeune, altruiste par nature avec son entourage, et où elle reçoit une bonne instruction et une éducation libérale.
Elle poursuit ensuite des études à Chaumont où elle obtient le brevet de capacité permettant d'exercer la profession d'institutrice. Mais elle refuse de prêter serment à l'Empire, et crée une école libre où elle enseigne durant trois années selon des principes républicains qui lui valent quelques réprimandes de la part des autorités.
Elle vient ensuite s'installer à Paris où elle enseigne dans une institution près du Château-d’Eau, dirigée par une certaine madame Voillier avec laquelle elle entretient des rapports quasi filiaux. Commence alors pour elle une période d’activité intense. C’est à ce moment qu’elle rencontre Jules Vallès, Eugène Varlin, Raoul Rigault, Émile Eudes et surtout Théophile Ferré, qu’elle aima passionnément. Elle collabore à des journaux d’opposition, poursuit une activité littéraire. Elle adressera quelques poèmes à Victor Hugo, un des personnages les plus célèbres et les plus respectés de cette époque, qu’elle rencontre à peine arrivée à Paris, vierge sage, jeune institutrice de province, et dont on prétend qu’elle aurait eu une enfant, Victorine, placée en nourrice à sa naissance. Cette dernière affirmation restant très discutée.
Elle aura dès lors une activité politique qu’elle mènera jusqu’à sa mort. Dès 1869, elle est secrétaire de la Société démocratique de moralisation, ayant pour but d’aider les ouvrières. Elle a alors près de quarante ans. Un rapport de police affirme (en 1878) qu’elle adhère à l’Internationale. À cette époque, et jusqu'à l'exil, Louise était Blanquiste, c'est-à-dire adepte du mouvement républicain socialiste fondé par Auguste Blanqui, auteur du fameux slogan « Ni dieu ni maître ! »
En 1870 à la veille de la Commune, elle est élue présidente du Comité de vigilance des citoyennes du XVIIIe arrondissement de Paris. Elle enseigne dans un externat fondé par elle-même en 1865. Dans Paris affamé, elle crée une cantine pour ses élèves. Elle rencontre Georges Clemenceau, maire de Montmartre. On assiste alors à d’étonnantes manifestations : femmes, enfants, gardes fédérés entourent les soldats qui fraternisent avec cette foule joyeuse et pacifique. Louise Michel fait alors partie de l’aile révolutionnaire la plus radicale aux côtés des anarchistes, et pense qu’il faut poursuivre l’offensive sur Versailles pour arrêter le gouvernement d'Adolphe Thiers qui n’a alors que peu de troupes. Cela ne durera pas et l’occasion est manquée. C’est alors que le destin de Louise Michel bascule et se précipite. Elle est même volontaire pour se rendre seule à Versailles et tuer Thiers.
La Commune
Louise Michel harangue les communardsPartie prenante de la Commune de Paris quand intervient l’épisode maintes fois mentionné, où, en habit de garde nationale, elle fait le coup de feu Place de l'Hôtel-de-Ville. Propagandiste, garde au 61e bataillon, ambulancière, elle anime aussi le Club de la Révolution et est toujours intéressée par les problèmes de l’éducation. Il est intéressant de remarquer qu’elle est très en avance sur son temps, préconisant des mesures qui aujourd’hui nous paraissent acquises et normales, mais qui à l’époque sont des nouveautés, comme des écoles professionnelles et des orphelinats laïcs, se prononçant en faveur d’un enseignement vivant et populaire.
Sur la barricade de Clignancourt, en mai 1871, elle participe au combat de rue dans lequel elle tirera ses derniers coups de feu. Elle se rend pour faire libérer sa mère, arrêtée à sa place. Elle assiste alors aux exécutions et voit mourir tous ses amis, parmi lesquels son ami Ferré (exécuté avec l'ancien ministre de la Guerre de la Commune, Louis Rossel), auquel elle fait parvenir un poème d’adieu émouvant, les œillets rouges. Elle réclame la mort au tribunal, et c’est sans doute en l’apprenant que Victor Hugo lui dédie son poème, Viro Major. Elle passe alors vingt mois en détention et se voit condamnée à la déportation. C’est le temps où la presse versaillaise la nomme la Louve rouge, la Bonne Louise.
La déportation
Embarquée sur le Virginie pour être déportée en Nouvelle-Calédonie, elle chante avec d'autres communards « Le temps des cerises » en regardant s'éloigner la côte, elle arrivera sur l'île après quatre mois de traversée. À bord, elle fait la connaissance de Henri Rochefort, célèbre polémiste, et de Nathalie Lemel, elle aussi grande animatrice de la Commune. Et c'est sans doute au contact de cette dernière que Louise est devenue anarchiste. Elle restera sept années en Nouvelle-Calédonie, refusant de bénéficier d’un autre régime que celui des hommes. Elle cherche à instruire les autochtones kanaks et, contrairement à certains Communards qui s’associent à leur répression, elle prend leur défense lors de leur révolte, en 1878. Elle aurait même fait parvenir au chef de la rébellion Ataï un morceau de son écharpe. Elle obtient l’année suivante l'autorisation de s’installer à Nouméa et de reprendre son métier d’enseignante, d’abord auprès des enfants de déportés, puis dans les écoles de filles.
Une militante anarchiste inlassable
De retour en France en novembre 1880, elle est chaleureusement accueillie par la foule à Paris. Elle y reprendra son activité d'infatigable militante, donnant de nombreuses conférences, intervenant dans les meetings, se prononcera contre la peine de mort, ne prendra que médiocrement part à l’agitation provoquée par l’affaire Dreyfus (s'agissant pour elle de protéger le "frère" Henri Rochefort, ici attaqué), mais se réclamera jusqu’à sa mort du mouvement anarchiste. « Je suis devenue anarchiste quand nous avons été envoyés en Nouvelle-Calédonie », dira-t-elle. C'est le 18 mars 1882, lors d'un meeting salle Favié à Paris, que Louise Michel, désirant se dissocier des socialistes autoritaires et parlementaires, se prononce sans ambiguïté pour l'adoption du drapeau noir par les anarchistes (socialistes libertaires), « Plus de drapeau rouge mouillé du sang de nos soldats. J'arborerai le drapeau noir, portant le deuil de nos morts et de nos illusions ».
Ce nouvel engagement est bientôt concrétisé par l'action : le 9 mars 1883, elle mène, avec Émile Pouget, une manifestation au nom des "sans-travail" qui dégénère rapidement en pillages de boulangeries (comme celle du n° 3 de la rue des Canettes) et en affrontement avec les forces de l'ordre. Louise est par conséquent condamnée à six ans de prison pour "excitation au pillage" [2].
De 1890 à 1895, elle vit à Londres où elle gère une école libertaire. De retour en France, elle alterne ses tournées de conférences avec des séjours à Londres avec des amis. Elle est plusieurs fois arrêtée lors de manifestations, de nouveau incarcérée pour six ans et libérée au bout de trois sur intervention de Clemenceau, pour revoir sa mère sur le point de mourir. Encore quelques incarcérations, moins longues ; elle est, pourrait-on dire, suivie heure par heure par les services de police.
Elle meurt à Marseille d'une pneumonie lors d’une tournée de conférences ; ses funérailles drainèrent à Paris une foule immense qui ne manqua pas d’impressionner les contemporains. De nombreux orateurs prirent la parole et, parmi eux, le Vénérable de la Loge de la Fraternité Universelle. Insignes et emblèmes maçonniques fleurirent sur sa tombe, de sorte que l'anarchiste Sébastien Faure fit observer qu’elle n’avait jamais appartenu à aucune association, pas même anarchiste, puisque ce mouvement n’était pas encore structuré en fédération (y eût-elle adhéré s’il l’avait été ? On peut se demander si cette nature indépendante aurait accepté). Un témoin oculaire, Lorulot, affirme cependant qu’elle avait donné son adhésion à l'Ordre Maçonnique Mixte International le Droit Humain fondé en 1893. Si elle appartint à une Loge, ce dut être à celle-là, d'abord parce que la grande majorité des obédiences, sexistes et conservatrices, aujourd’hui encore, n’acceptent pas les femmes, ce qui n’aurait certainement pas été de son goût, ensuite parce que la loge mixte fondée par une femme, Maria Desraimes, était la seule qui pouvait éventuellement lui convenir. Sur la proposition de Madeleine Lepelletier, elle y fut invitée, un an avant sa mort, y prononça un discours de réception, n'y fut pas « initiée » mais en quelque sorte cooptée, les membres de ladite loge s'estimant honorés par son acquiescement à leur requête et retenant que son action la dispensait du rite d'initiation. Quand on lui demanda pourquoi elle ne s'y était jamais présentée, elle répondit qu'elle croyait « qu'on n'y acceptait pas les femmes