Michel Rocard est né à Courbevoie, le 23 août 1930. Après un cursus classique (Sciences-Po, ENA) au cours duquel il se spécialise en économie, il devient inspecteur des finances en 1958.
Pendant ses années d’étudiant, il a été, entre 1953 et 1955, responsable des étudiants socialistes. On est alors en pleine guerre d’Algérie et ce jeune militant, qui est aussi un protestant, rejoint le courant chrétien de gauche qui, avec des communistes en rupture avec le stalinisme et les socialistes opposés à Mollet, construisent la deuxième gauche avec un parti, le PSU en 1960 et un syndicat, la CFDT après 1964. Remarqué par PMF lors des rencontres du PSU de Grenoble en 1966, Rocard en devient secrétaire national à partir de 1967. Entré par la droite dans le PSU, il en anime bientôt le centre. Il s’était fait connaître par ses écrits parus sous le pseudonyme de Georges Servet. Rocard joue un rôle important dans la tentative de trouver un débouché politique à Mai 68. Le PSU est le seul parti à avoir les faveurs de la jeunesse politisée des années soixante. Sauvageot, le leader de l’UNEF et Geismar en sont adhérents.
Sur cette lancée, Rocard se présente à l’élection présidentielle de 1969, mais il ne recueille que 3,61 % des suffrages. L’émergence d’un parti socialiste refondé, résolu à devenir hégémonique à gauche rogne l’espace déjà exigu du PSU. Rocard participe à la campagne de Mitterrand de 1974, ce qui lui vaut son exclusion. Rocard rejoint le PS en décembre dont il intègre bientôt le Secrétariat National.
A partir de 1978, le rocardisme devient l’autre culture au PS, structurant pour longtemps le paysage intellectuel socialiste français. En dénonçant un certain "archaïsme politique", Rocard se hisse au niveau du rival permanent d’un Mitterrand à qui tout pourtant réussit. Cette opposition prend forme lors du Congrès de Metz de 1979. Ministre du Plan puis de l’Agriculture, Rocard ne sera finalement que Premier ministre, (ironie de l’histoire, il est nommé un 10 mai) entre 1988 et 1991. Bien que "viré" par le Président, il laisse un bilan très positif. Il crée le RMI et règle la crise calédonienne en parvenant à faire signer les Accords de Matignon. En 1993, alors que le PS est encore secoué des soubresauts du Congrès de Rennes, Rocard prend la direction du Parti et en transforme profondément les instances. Mais, ce n’est qu’un intermède. Les défaites des élections de 1993 et 1994 l’emportent. Depuis 1994, date à laquelle il a été élu député européen, Michel Rocard se passionne pour les pays en voie de développement. L’homme, c’est aussi un style et une manière de parler qui le rend aussi agaçant qu’attachant. On écoute Rocard comme on regarde un one man show.
Les "rocardiens" constituent une culture originale dans le socialisme français des années d’après-guerre. Courant intellectuel, foyer d’accueil des anti-Mitterrand, des "cathos de gauche", des modernes et des modérés, il a parfois été classé à droite de la gauche. Viscéralement anti-communiste, le rocardisme est surtout l’effort d’une génération de militants pour penser le socialisme sans et après Mitterrand dans une culture de la décentralisation et de l’autogestion. L’influence de Mendès est revendiquée par Rocard. Il est vrai qu’ à l’instar de PMF, Rocard jouit d’un grand prestige intellectuel, sa contribution à la construction théorique du socialisme est indéniable et son oeuvre au pouvoir plutôt courte. Est-ce là ce que certains appellent "le complexe deuxième gauche", force intellectuelle, faiblesse pratique ?
L’anti-Mitterrand dénonce aussi depuis le milieu des années 80 le "bilan moral" de celui dont il a dit en 1998 qu’il n’était pas un "honnête homme". Mais, cette exigence éthique cache mal un désir (légitime) de revanche.
L’influence de Michel Rocard dans l’histoire intellectuelle du socialisme français depuis les années 70 est d’autant plus profonde qu’elle est la plus ancienne et la plus linéaire, là où d’autres courants sont plus des clientèles, des fractions ou des expériences qui se sont soldées par des dérives parfois curieuses (comme c’est le cas pour le CERES).
Mais, le rocardisme, parce qu’il tire une grande partie de sa pertinence d’une conjoncture politique et idéologique donnée, demeure plus comme un souvenir évoqué avec nostalgie. Le rocardisme tardif est d’abord un anti-mitterrandisme, celui de camisards traqués par les hommes de Mitterrand. Rocard en a fait les frais quand il était aux affaires, de Matignon à la rue de Solférino.
Le rocardisme s’est depuis lors auto-dissous, trouvant son aboutissement dans le jospinisme qui l’a absorbé dans sa démarche de nouvelle synthèse politique pour construire une gauche armée face aux défis du nouveau siècle.