Peut-on empêcher la modification de la Constitution française pour obliger au référendum ?
Pour empêcher la modification de la Constitution il faut deux cinquième des voix. Pour la faire adopter il faut les trois cinquième des voix. Voyons les chiffres. Le Congrès du Parlement compte 331 sénateurs plus 577 députés. C'est-à-dire 908 voix. Dès lors la majorité des 3/5 est à 545 voix. Encore faut-il que tous les suffrages soient exprimés. Cela veut dire clairement sans qu’il y ait d’abstention car la majorité requise des 3/5 concerne les suffrages exprimés !
L’UMP est loin d’avoir la majorité des 3/5
Faisons le total. L’UMP c’est 321 députés et 159 sénateurs soit 480 voix. On est donc loin des 545 voix nécessaires pour faire la majorité des 3/5 ! Qui fera l’appoint ? Les centristes ? Cela ne suffit pas. Même renforcée par tous les centristes, l’UMP n’atteint pas les 3/5. En effet si on élargit l’addition à l’ensemble de la galaxie « majorité présidentielle » on arrive à 539 voix. Voici le détail : 21 Nouveau Centre à l’assemblée, 21 + 8 divers droite RDSE sénat + 30 Union centriste au sénat (inclus les Modem mal délimitables)…
Dans ces conditions, la majorité des 3/5 ne peut être atteinte qu’avec l’appoint supplémentaire des "non inscrits".
En effet, ce n’est qu’en élargissant encore aux "non inscrits" de droite que l’on arrive potentiellement à la majorité des 3/5. Voyons : 539 + 7 non inscrits assemblée + 6 non inscrits sénat = 552. Mais que vaut cette addition ? Est-elle possible? Une bonne partie d’entre eux ne font partie de la majorité présidentielle que de très loin. Pensons par exemple aux 3 députés du Modem ou encore aux parlementaires villiéristes ou partisans de Dupont Aignan.
Sur le papier il faut à la droite une union sans aucune faille de tous les UMP, tous les centristes, tous les souverainistes, tous les non inscrits de droite pour avoir une très courte majorité des 3/5.
En réalité, les 14 parlementaires "souverainistes" privent la droite de la majorité des 3/5
Si l’on retire tous les "souverainistes" qui avaient voté Non à la révision de de la Constitution française en 2005, on redescend nettement en dessous des 3/5. Voici le comptage des souverainistes :
9 députés potentiellement souverainistes à l’Assemblée
- Sur les 8 députés UMP et apparentés qui avaient voté contre la révision de 2005, 7 sont toujours députés dans la nouvelle assemblée : Gilles Bourdouleix (UMP proche de Villiers), Nicolas Dupont-Aignan (ex-UMP maintenant non inscrit), Patrick Labaune (UMP mais proche Dupont Aignan), Lionnel Luca (UMP), Jacques Myard (UMP), Philippe Pemezec (UMP) et François-Xavier Villain (ex-UMP non inscrit, avec Dupont Aignan)
- A ces 7 députés "souverainistes" s'ajoutent 2 villiéristes vendéens qui avaient voté contre en 2005 et qui sont toujours députés : Véronique Besse (bras-droit de Villiers, non-inscrite) et Joel Sarlot (ex MPF maintenant apparenté UMP).
Cela fait donc ainsi au moins 9 députés de droite qui voteraient contre. 552 moins 9 = 543. Soit deux voix de moins que le total requis. Donc, seulement sans ceux-là, la droite n’a plus la majorité des 3/5. Et pourtant la soustraction n’est pas finie. Cinq sénateurs de droite sont également positionnés sur le refus.
- Sur les 3 sénateurs UMP qui avaient voté contre la révision de 2005, 2 sont encore sénateurs : Charles Pasqua et André Lardeux (le troisième, Jacques Baudot étant décédé).
- Parmi les "divers-droite" du RDSE, 1 sénateur avait voté contre, Bernard Seillier, qui est toujours sénateur.
- Enfin, parmi les "non inscrits", on compte 2 sénateurs villiéristes vendéens qui avaient voté contre en 2005 et qui sont toujours sénateurs : Bruno Retailleau et Philippe Darniche.
Cela fait donc bien au moins 5 sénateurs de droite qui voteraient contre.
Ainsi sans ceux que je vais appeler ici les "souverainistes de droite", la majorité potentielle de la droite est donc de 538 voix, c'est-à-dire 7 voix de moins que la majorité des 3/5. Et encore, c’est sans compter avec l’attitude incertaine des centristes du sénat (30) qui pour la plupart n’ont pas clairement opté entre le Modem et le Nouveau centre.
De son côté donc, la gauche peut empêcher la révision
La minorité des 2/5 ème doit être de 363 voix. Faisons les comptes : 204 députés socialistes et apparentés + 24 députés communistes et apparentés = 228 députés de gauche. A ceux là s’ajoutent 96 sénateurs socialistes et apparentés + 23 sénateurs communistes et apparentés + 8 sénateurs radicaux de gauche et apparentés = 127 sénateurs de gauche. Le total des parlementaires de gauche est donc de 355 voix. Cela ne fait pas à soi seul la minorité de blocage des 2/5.
Mais si la gauche fait bloc sur le vote contre, l’appoint des 14 parlementaires de droite qui peuvent voter contre , permet de constituer largement cette minorité de blocage. En effet on compte alors 369 voix, soit 6 voix d’avance sur le total nécessaire.
Et encore est-ce sans compter avec les votes des députés MODEM qui devraient potentiellement être négatifs puisque Bayrou s’était engagé sur la tenue d’un référendum pour tout nouveau traité. Cela ajouterait alors au moins 3 voix supplémentaires à l’assemblée et un nombre inconnu au sénat. La minorité de blocage grimperait alors à 372 voix, soit 9 voix d’avance.
Conclusion : le recours au référendum est possible.
Si la gauche décide en bloc de voter contre la révision conformément aux engagements unanimes de Ségolène Royal, Marie Georges Buffet, Dominique Voynet, Olivier Besancenot, Arlette Laguiller de la campagne présidentielle en faveur d’un référendum, la révision de la Constitution française ne sera pas adoptée. En effet la droite amputée des « souverainistes » est incapable de réunir à elle seule la majorité des 3/5. La gauche a donc bien une réelle capacité à imposer à Sarkozy un référendum pour réviser la constitution française concernant le nouveau traité européen. Si elle n’y parvenait pas, ce serait à mettre intégralement au compte de ceux qui, à droite se seraient détournés de leurs engagements les plus solennels. Ce n’est pas rien dans la bataille que les socialistes et la gauche mènent pour retrouver de la crédibilité dans les milieux populaires. Dans tous les cas mieux vaudrait qu’on ne compte pas parmi les parjures des voix de gauche !